Славянобългарският фактор в християнизацията на Киевска Русия

Всеволод Николаев

 

LA PART DES BULGARES DANS LA CONVERSION DE LA RUSSIE KIÉVIENNE SELON LES SOURCES MÉDIÉVALES

 

(RÉSUMÉ SUCCINT DU LIVRE POUR LES SAVANTS ÉTRANGERS)

 

 

L’auteur a relaté ce travail dans l’Institut d’Histoire de l’Académie des Sciences de Bulgarie.

 

Dans la première partie du livre, l’auteur examine les sources les plus importantes de la conversion de la Russie en 988 et procède à une analyse détaillée de la légende de l’épreuve des religions incérée dans la chronique russe, dite de Nestor — „le Réçit des temps passés”, sous les années 6494—6496 (986—988). Bien que certains auteurs aient mis en doute la légende de l’épreuve des religions quant à sa valeur de source historique et qu ils aient essayé de relater non seulement son caractère légendaire et tendancieux, mais l’abondance de contradictions et d’inexactitudes dans son texte, presque tous les savants, même contemporains, traitent dans leurs ouvrages et dans leurs manuels le problème de la conversion de la Russie selon les données de la légende de l’épreuve des religions.

 

L auteur s arrête longuement sur les autres sources, comme le Discours sur la grâce du métropolite Hillarion, l’eloge à la mémoire de Vladimir du moine Jacob, la Vie des princes martyrs Boris et Gléb etc. L’auteur s applique à démontrer que la Chronique de Kiev — le „Réçit des temps passés", attribuée au fameux chroniqueur russe Nestor et en particulier la légende de l’épreuve des religions ont été foncièrement remaniées par des interpolateurs grecs ou grécisants dans le bas moyen âge. L’auteur fait ressortir le caractère polémique de la légende de l’épreuve des religions d’oú se dégage l’impératif catégorique de la présence des évêques grecs en Russie de même que la nécessité de la religion grecque pour le peuple russe, tout comme de la légende de l’invitation des princes varègues rurykides ressort leur nécessité et leur légitimité. L’auteur montre des analogies de composition frappantes entre la légende de l’épreuve des religions et certains ouvrages grecs, tels la Vie de saint Clément d’Ochrida de Théophylacte, oü ce dernier raconte la contreverse de saint Cyrille avec les musulmans, les „allemands" catholiques et les juifs khosares—tous les acteurs de la légende de l’épreuve de religions, y compris „le philosophe", qui dans certains manuscrits, garde malgré l’anachronisme, même le nom de Cyrille, la Vie de saint Théodore d’Edesse et en particulier la contreverse de saint Théodore avec le khalife de Bagdad Moavius, qui, tout comme Vladimir, après une longue exhortation du prédicateur grec consent à recevoir le baptême. La légende de l’épreuve des religions était si répandue à Byzance et chez les peuples qui subissaient l’influence directe de sa culture, qu on la retrouve

 

 

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même dans le cycle des réçits et des légendes de la conversion des Khosares au judaïsme, avec cette seule différence, qu ici le khan, qui joue le rôle de Vladimir choisit la religion hébraïque.

 

De même, l’auteur met en relief la bulgarophobie spécifique de la légende où à dessein les bulgares musulmans de la Volga sont confondus avec les bulgares danubiens slaves et chrétiens et ou le chroniqueur attribue aux bulgares dés rites obsènes, très voisins du culte baphométique, que l’Orient byzantin connut après le célèbre procès des Templiers en 1312. Si l’on considère d’autre part, que le chroniqueur ne soufle mot d’un message soit de Vladimir auprès des bulgares danubiens, soit de ceux-ci auprès de Vladimir, malgré leur proximité etnographique et géographique avec la Russie Kiévienne, le subterfuge de l’intepolateur devient évident : on met à jour un curieux procédé de la polémique religieuse byzantine : rendre odieux aux russes kiéviens le peuple bulgare pour effacer de leur mémoire tout souvenir d’avoir reçu des bulgares la foi chrétienne.

 

Enfin, l’auteur procède à une analyse détaillée des éléments de la légende: le rôle du philosophe grec, qui convertit Vladimir, son discours; le caractère de Vladimir païen et chrétien les relations de Vladimir avec les papes et les missionnaires latins, avec les khosares etc.

 

Dans la seconde partie du livre, l’auteur traîte le problème du christianisme en Russie kiévienne, sensiblement avant l’avénement de Vladimir. L’auteur cite la bulle de Jean XIII, concernant l’errection de l’évêché de Prague, qui quelques dizaines d’années avant la „conversion“ des russes en 988, reconnaît l’usage universel du rite slave en Bulgarie et en Russie, constatant le lien étroit entre lé rite pratiqué par les deux peuples. L’auteur mentionne de même un témoignage important — la version bulgare de la chronique de Manassès, conservée à la Bibliothèque Vaticane, oü au texte grec sont ajoutées par le traducteur bulgare quelques gloses concernant les événements principaux de l’histoire bulgare. L’auteur signale la glose concernant le baptême dés russes, oü le chroniqueur bulgare dit expressément que la conversion dés Russes eut lieu pendant le règne de l’empêreür Basile le Macédonien, c’est à dire plus de cent ans avant Vladimir. L’auteur examine de même la miniature représentant le baptême des Russes, dont la présence seule dans une chronique dédiée au tzar bulgare Iwan-Alexandre témoigne que cet événement avait un rapport étroit avec l’histoire bulgare. L’auteur fait ressortir la différence entre les deux miniatures du manuscrit : les Bulgares reçoivent le baptême dans un baptistère pompeux et une atmosphère de cour — ce qui montre qu il s’agit là du baptême de l’aristocratie bulgaro-touranienne et non du peuple qu elle dominait ; les Russes au contraire reçoivent le sacrement dans les eaux d’une rivière: on voit venir des paysans, tendant les mains et humblement vêtus — c’est bien là une conversion populaire. L’auteur signale en outre, quelques passages de la chronique russe, oü l’on trouve une confirmation de la filiation du christianisme russe par rapport au christianisme bulgare. L’auteur souligne en particulier l’extrait oublié par les interpolateurs grecs et conservé, dans quelques manuscrits plus anciens, oú le chroniqueur calcule le nombre des

 

 

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années écoulées entre la conversion des Bulgares, la traduction des livres liturgiques et la conversion des Russes. Le fait que le chroniqueur russe superpose ces événements les uns aux autres et calcule les nombres d’années qui les séparent, montre en soi que pour le chroniqueur ces trois événements ont un lien de dépendance entre eux.

 

Enfin, l’auteur cite le témoignage de la chronique de Joachim, égarée aujourd hui mais publiée par Tatistchev vers 1768. Dans cette chronique se trouve un passage fort curieux, qui dit expressément que le tzar, Siméon de Bulgarie envoya le métropolite Michel avec quatre évéques, des prêtres, des chantres et de nombreux livres pour évangéliser la Russie. Il est ajouté dans la chronique que le métropolite Michel était bulgare. L’auteur admet l’authenticité des passages de cette chronique, concernant les Bulgares, parce qu au XVII-e et au XVIII-e siècle personne en Russie ne connaissait ni les Bulgares, ni le tzar Siméon pour leur imputer l’oeuvre de la conversion des Russes, d’autant plus que ce fait est en contradiction flagrante avec toutes les autres chroniques russes.

 

L’auteur examine les liens culturels et littéraires entre les Bulgares danubiens et les Slaves de Kiev avant l’avénement de Vladimir et déduit des données archéologiques, dûes aux recherches des archéologues russes et bulgares l’existence dans la Russie Kiévienne de la culture materielle du cercle de Preslav. Toutes ces données indiquent la voie par laquelle le christianisme a pénétré en Russie. D’ailleurs, la présence en Russie de toutes les oeuvres remarquables, de l’école littéraire de Préslav montre une fois de plus, que la théorie des illustres savants slavisants Jagitch et Chachmatov, que la langue littéraire de la Russie de Kiev était le bulgare est confirmée par les faits. Or cette langue bulgaro-slave, véhicule de la pensée chrétienne et cette littérature du cercle de Preslav, qui est avant tout, une littérature de propagande chrétienne sont le témoignage le plus concret qué le christianisme qui s en est servi pour évangéliser les Russes est venu précisément de la Bulgarie Danubienne.

 

Pour l’auteur la chrisatianistion de la Russie est un processus séculaire qui commence lors de l’influence chrétienne des Thraces sur les Scytes, influence, qui continue lorséque ce christianisme thrace riche de dix archevêchés et plus d’une cinquantaine d’évêchés et qui, quelques années seulement après Constantin sut organiser le fameux concile de Sardique (343), s est transformé en iin centre slave de Preslav, ayant gardé malgré la slavisation les caractères spécifiques du christianisme thrace, si différent du christianisme byzantin. L’auteur affirme que la base ethnographique du peuple bulgare est précisément la slavisation en masse des Thraces, qui selon lui se sont romanisés au nord — en formant le peuple roumain, se sont grécisés au sud en formant la nation actuelle des Grecs (avec un élément slave) et se sont slavisés dans leur majeure partie en formant la nation bulgare: dans ce mélange des Slaves et des Thraces, les Slaves ont joué par rapport à l’Empire byzantin et aux Thraces le même rôle que les Germains par rapport à l’Empire romain d’Occident. Les Slaves ont donné aux Thraces leur langue de vainqueurs et leur nouvel ordre social qui abolissait l’esclavage comme système, mais à leur tour ils ont

 

 

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adopté la culture avancée des Thraces et leur religion chrétienne. C est dans ce fait et non dans les hésitations personnelles du roi Boris 1-er qu il faut chercher l’aversion des Bulgaroslaves envers le christianisme byzantn et sa tendance romaine. C est ce christianisme thrace qui explique l’apparitioh des saints Cyrille et Méthode dans ces parages et l’éclosion de l’école de Preslav qui n est point un commencement mais une culminante riche d’une tradition bien différente de la tradition byzantine. Les Slaves danubiens ont adopté le nom de bulgares au même titre que les peuples de la Gaule se sont vu nommer „francs" sans pour cela devenir germains, ou les Slaves kiéviens „russes” sans jamais devenir Varègues. La petite tribu militaire des Bulgares réussit à organiser la population thraco-slave de la péninsule contre les essais de Byzance de restaurer son autorité sur cette province, qui lors de l’nvasion slave s échappa de ses impôts et de son système d’esclavage. Les Slaves en passant en masse le Danube ont provoqué une insurrection générale des esclaves slaves et thraces dans la péninsule, tout comme les Germains dans l’Empire romain d’Occident avaient provoqué le soulèvement en masse de leurs compatriotes. Mais au contact des Thraces, les Slaves, qui d’ailleurs étaient déjà sédentaires se sont au cours de moins d’un siècle rassis sur ce territoire conquis. C est alors précisément que Byzance revendiqua ses droits. La fondation et la stabilité relative du Premier Empire bulgare s explique précisément par le désir de la population thraco-slave de la péninsule de fuir le régime de l’esclavage et les impôts de Byzance. Une preuve certaine de ce que l’idée de l’Etat chez ces populations n est pas venue des confins de l’Asie, d’où comme croivent plusieurs auteurs les Bulgares l’auraient apporté, l’ayant imprunté aux Perses et aux Chinois, mais est un ensemble de conceptions romaines transmises avec Tapante culturel et le christianisme par les Thraces aux Bulgaro-slaves, est le terme „tzar“, qui s est imposé chez les Bulgares en chassant leur propre terme „koghan“ ou „han“ et les termes grec — „basileus“ ou des Slaves occidentaux „kral“ de Carolus — Charles. Ce terme qui renferme toute la tradition romaine de l’Etat a été adopté par les Bulgares et imposé par eux aux Slaves et aux Polonais.

 

L’auteur considère que c’est présisement de ce centre bulgaroslave que le christianisme a pénétré en Russie. Vladimir a „baptisé“ la Russie, dans la même mesure, que Clovis aurait „baptisé“ la Gaule ou Boris les Slaves sur lesquels il régnait: ces peuple étaient chrétiens beaucoup avant leurs conquérants, qu ils ont conquis à leur tour par le christianisme à la civilisation.

 

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