Le Parti communiste yougoslave et la question macédonienne (1919—1945)
Kostadin Palesutski
 
Résumé
 

Au cours de la période d’entre les deux guerres mondiales le Parti communiste yougoslave (PCY) détermine ses conceptions sur la question macédonienne ayant en vue la situation en Yougoslavie, en Bulgarie et en Europe. Au début le PCY envisageait cette question sous les positions nationales-unitaires en considérant les Serbes, les Croates et les Slovènes comme un peuple unanime. De cette façon le parti négligeait l’existence de la question nationale dans le pays. Il reconnaissait seulement la présence de minorités nationales et insistait qu’on leur accordât des droits et libertés nationaux. Les Bulgares de la Macédoine de Vardar sont considérés aussi comme une telle minorité existant dans les cadres de la Yougoslavie bourgeoise. Les communistes yougoslaves démasquaient les partis bourgeois qui forçaient les Bulgares de devenir Serbes ou bien la suscitaient de faire partie d’une population slave „sans couleur et appartenance sociale”.

Plus tard le PCY renonça à l’unitarisme national, déterminé par lui comme une masque du nationalisme bourgeois. Contre la théorie des trois peuples principaux, les communistes yougoslaves émirent de façon catégorique le fait que les différences parmi les Serbes et les Bulgares sont beaucoup plus petites que celles entre les Slovènes et les Bulgares, du point de vue des rapports linguistiques, religieux et historico-ethnographiques, pourtant la théorie d’un peuple unanime ne les inclue pas. Au contraire les Bulgares de la Macédoine de Vardar furent soumis aux persécutions et terreurs inouïes par les Serbes. Continuant sa politique, le PCY éleva le slogan de l’autodétermination des minorités y compris leur séparation de la Yougoslavie. Aux Bulgares en Macédoine devraient être accordés les mêmes droits. Les deux courants qui se constituèrent („la gauche” et la droite) reconnurent qu’en Macédoine habitaient des Bulgares, mais peu à peu ils s’orientèrent et mirent l’accent sur la diversité nationale, sur le fait que Macédoine représen-

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tait une mozaïque de nations. Cette thèse fut argumentée en détails à la Troisième conférence du PCY au cours de l’année 1924.

Pendant l’étape suivante les communistes yougoslaves élevèrent le slogan des républiques indépendantes — la Macédoine, la Slovénie et la Croatie. Ainsi l’autodétermination des peuples fut réduite à la séparation obligatoire. Le slogan est lié à la stratégie générale du mouvement communiste international pour l’abolition du système de traités de paix Versailles — Washington. Le temps de son adoption par le PCY coïncide avec la victoire sur la fraction de Simo Markovic qui réduisait la question nationale à une question constitutionnelle et voulait qu’elle fut résolue dans les frontières étatiques de Yougoslavie. Mais à cette époque aussi !e PCY ne défend pas jusqu’au bout et de façon consécutive le slogan d’une Macédoine indépendante. D’un côté le slogan est représenté dans les documents du parti, mais d’un autre — le parti manifestait une attitude négative par rapport à l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne (unifiée) qui soutenait la même plate-forme politique. Le PCY avait adopté une méthode abstraite et propagandiste sur cette question en mentionnant qu’en fin de compte toutes les questions embrouillées et discutables auraient été résolues par la future Fédération balkanique.

Au milieu des années 30 le slogan de la Fédération balkanique est délaissé. A cette époque les communistes yougoslaves abandonnèrent aussi le slogan de la décomposition de la Yougoslavie en le remplaçant par la demande insistante de conserver l’unité étatique et de résoudre la question nationale par une réorganisation intérieure fondée sur des principes fédératifs. C’est toujours à cette époque que l’Internationale communiste décréta l’existence d’une „nation macédonienne”. Les motifs sont extrêmement humains; ils sont dictés par le désir de supprimer l’un des foyers de la Deuxième Guerre mondiale, mais les conséquences furent assez sérieuses. Le mouvement communiste balkanique tomba en désarroi sur la question nationale et plus concrètement sur la question macédonienne. Dans une mesure encore plus grande ceci se rapporte au PCY, qui élève la formule mixte d’une fédération yougoslave et d’une Macédoine indépendante — un slogan qui par son essence s’avère intérieurement contradictoire et inconséquent.

Aux années 30 de notre siècle plusieurs des partis bourgeois de l’opposition reculèrent aussi de leurs positions nationalistes par rapport à la question macédonienne. Convaincus que la serbisation de la Macédoine fut impossible à cause de la résistance acharnée des Bulgares macédoniens, les leaders bourgeois recommandèrent la macédonisation des Bulgares en Macédoine. Leur

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devise intime fut: ”Mieux vaut Macédoniens que Bulgares!” En même temps par le concours d’un nombre de circonstances une partie de l’intelligentzia macédonienne et des communistes accepta tacitement le slogan; „Mieux vaut Macédoniens que Serbes!” Pourtant les masses populaires restèrent indemnes et conservèrent leur conscience bulgare.

A cette étape PCY ne s’occupa point des deux autres parties de la Macédoine, se contentant d’inclure dans la future fédération yougoslave seulement la Macédoine de Vardar.

La question macédonienne fut envisagée dans un aspect tout à fait différent à la veille et au cours de la Deuxième Guerre mondiale, lorsque le PCY élabora un programme intégral concernant la question nationale. C’est alors que surgit l’idée de la création d’une fédération des Slaves du Sud y compris la Bulgarie. La Macédoine dans ce cas-là est envisagée comme étant unifiée et comme représentant une unité fédérale dans les cadres d’une Youglavie qui englobera les terres de la mer Adriatique jusqu’à la mer Noire. Mais cette position est plutôt formelle. En effet les communistes yougoslaves aspirent à incorporer la Macédoine entière dans la future fédération yougoslave. La Bulgarie fut désignée comme membre de la fédération avant tout dans un but tactique, car la popula-tion de la Macédoine de Vardar n’aurait pas voulu en aucun cas. s’approprier à une Yougoslavie quelle qu’lele soit, étant donné que pour cette population elle fut le symbole du joug national et ce n’est que les formules politiques avec la participation de la Bulgarie qui pourraient attirer les Bulgares macédoniens.

Ces conditions entravèrent la politique du PCY en Macédoine au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Après que la plus grande partie de la Macédoine de Vardar fut incorporée à la Bulgarie le slogan „un peuple, un Etat” acquiert une large popularité parmi les communistes. Cela démontre que la macédonisation et la serbisation n’eurent pas de résultats durables. On arriva à une confrontation entre PCY et le PCB. Le Komintern y intervint. Le comité régional du parti pour la Macédoine de Vardar passa de nouveau dans les cadres organisationnels du PCY, lequel, envahi par le nationalisme, commença une offensive. Les communistes yougoslaves effectuèrent un essai sérieux d’inclure la Macédoine entière dans les limites de la Yougoslavie et de mettre ainsi le PCB et le Parti communiste grec dans une position de fait accompli. Cependant en fin de compte, dans les limites de la République fédérative populaire de Yougoslavie ne fut incluse que la Macédoine de Vardar. C’est ainsi que la question macédonienne entre dans une phase de développement tout à fait nouvelle.

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