Romanoslavica I (1958) 

 

14. AUX ORIGINES DE LA CULTURE SLAVE DANS LA TRANSYLVANIE DU NORD ET LE MARAMUREŞ.

P. Olteanu

 

 

Établis au nord des Karpates, à peu près sur le territoire de l’actuelle Pologne, les Slaves ont été les voisins immédiats de la Dacie [1]. Les richesses de la Dacie en métaux précieux, en céréales, en sel, en marbre, en animaux, en miel etc. sont mentionnées depuis l’antiquité jusqu’aujourd’hui par beaucoup d’historiens, de géographes et de voyageurs [2].

 

Ces richesses ont mené du reste au développement de relations commerciales entre Daces et Slaves [3] et ont toujours attiré les peuples migrateurs et voisins vers la Dacie.

 

Depuis déjà les IIIᵉ et IVᵉ siècles de notre ère, les Slaves ont été poussés hors de leur berceau de la Vistule tant par l’établissement des Goths et des Gépides au bouches de ce fleuve, que par l’accroissement naturel de la population [4]. Ceux qui se sont dirigés vers le sud ont passé le Danube au commencement du VIᵉ siècle, et vers la fin du VIIᵉ siècle leur établissement dans les Balkans était terminé [5]. Les 25 peuplades slaves environ qui

 

 

1. Le slaviste polonais Tadeusz Lehr Spławiński a montré que le berceau des Slaves avait sou centre dans la Pologne d'aujourd’hui mais que leurs extensions vers l’ouest et le sud-ouest étaient plus grandes que les considéraient la vieille slavistique. (Cf. O pochodzeniu i praojczyźnie Słowian, Poznań, 1946, p. 9 et suiv., et Początki Słowian, Cracovie, 1946, p. 8 et suiv. T. Ł. Spławiński, a fait ensuite quelques rectifications à ses affirmations de ces travaux, sur la base des comptes rendus et des discussions qu’elles ont provoquées dans le monde des slavistes: (Cf. Powstanie, rozrost i rozpad wspólnoty prasłowiańskiej dans «Przegląd Zachodni», 1951, pp. 350—378).

 

2. Beaucoup de ces sources sont restées inconnues de notre historiographie. Signalons, par exemple, la Chronique universelle du Tchèque Jan de Puchów, «Sweta wsseho kronika...» — 1554, Prague, qui donne une description détaillée de la géographie, de la population et des richesses de l’ancienne Dacie, existantes encore à son époque. Il montre, entre autres, que, chez nous, Гог, se trouve en pailletés dans le sable des rivières, mais aussi en pépites pesant jusqu'à une livre et demie. Il décrit les gisements de sel du nord de la Transylvanie, les immenses carrières de marbre: il parle des aurochs et des chevaux sauvages à longue crinière, etc. (Feuillets DXLII et suiv.).

 

3. Un autre slaviste polonais, M. Rudnicki, a montré que les Slaves voisins de la Dacie ont certainement connu l’or et le fer de Transylvanie. (Cf. Dalsze dane do zasiedzenia Słowian w dorzeczu Wiśly i Odry, «Slavia Occidentalis», 1933, p. 304—341.

 

4. T. Ł. Spławiński, Powstanie, rozrost i rozpad, p. 374.

 

5. Voir, L. Niederle, Slovanské starožitnosti, I, Prague, 1902, p. 240.

 

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ont vécu en Dacie, faisaient partie pour la plupart de ce groupe des Slaves méridionaux [6].

 

Il est assez difficile de les déterminer, parce que les sources manquent. Les recherches archéologiques et linguistiques de chez nous, en sont, dans ce domaine, à peine à leurs débuts.

 

Il nous est donc d’autant plus difficile de déterminer à quel groupe appartenaient les Slaves du nord de la Transylvanie et de la Tisa supérieure, quelle langue ils parlaient et quelle culture ils avaient. Les informations sur ces Slaves sont encore plus pauvres, parce que les historiens et les géographes antiques venaient rarement en contact avec cette région.

 

Dans la région de la Tisa supérieure et à l’embouchure du Mureş, les Slaves sont signalés déjà depuis le IIP siècle de notre ère. Ils se caractérisaient par la culture des «tombeaux fosses», nommée «preworska» [7]. La Tabula Peutingeriana mentionne, entre la Tisa et le Danube, par deux fois les Vénètes, dénomination générale des Slaves occidentaux. Nous possédons quelques informa lions sur la culture matérielle de ces Slaves. Priscus, venu au Vᵉ siècle comme envoyé de l'empereur Théodose à la cour d’Attila en Panonie, nous dit que ces Slaves connaissaient la boisson faite de miel fermenté gr. «μέδος», sl. medŭ», — miel, goth. miđus, iran. madu (peut-être d’origine thrace, i.-e. medhu).

 

Un peu plus tard Jordànès emploie dans la description de l’enterrement d’Attila le mot «strava» qui signifie aujourd’hui en slave «nourriture», mais qui aupràvant signifiait «repas offert en l’honneur du mort».

 

Ces mots auraient pu provenir autant des Slaves méridionaux, que des Slaves occidentaux [8].

 

C’est toujours vers le début du VIᵉ siècle que les Slaves se sont établis dans la Tchécoslovaquie d’aujourd’hui [9]. Ces Slaves de même que ceux de la Tisa supérieure, étaient renommés pour leur habileté à travailler le fer [10].

 

Les Slaves établis en Transylvanie travaillaient bien, eux aussi, les métaux. Dans le tumulus découvert récemment dans le village de Someşeni près de Cluj on a trouvé des ornements en métal et des boucles de ceintures, des anses et des cerceaux en fer provenant de seaux en bois. On y a découvert aussi des ornements en argent joliment travaillés, une boucle d’oreilles etc. On y a trouvé ensuite des vases en argile, travaillés à la roue actionnée à la main et ornés de lignes droites ou de vagues ondulées. Ce tumulus date approximativement de l’an 800. Les tas d’or du podium montre que le mort avait été un chef slave, auprès duquel on a incinéré sa veuve, ses domestiques et ses animaux familiers [11]. Alors les Slaves de Transylvanie avaient donc des traditions et des coutumes qui se sont interpénétrés avec celles des

 

 

6. T. Ł. Spławiński, affirme que les Slaves établis dans la vallée de la Tisa jusqu’au sud du confluent de cette rivière et du Mureş seraient, eux aussi, une partie des peuplades slaves méridionales. (Cf. ouvr. cité, p. 367 et Początki słowian, p. 13 et suiv).

 

7. T. Ł. Spławiński, Powstanie..., p. 374.

 

8. Voir, J. Stanislav, Dějiny slovenského jazyka, I, Bratislava, 1956, p. 100.

 

9. J. Filip, Počátky slovanského osidlení v Československu, Prague, 1946, p. 75.

 

10. V. Kriéka, Vytvarný přejav slovenského praveku, Martin, 1942, p. 27.

 

11. M. Macrea, Necropola de la Someşeni, dans «Tribuna», Cluj, 1957, nr. 8.

 

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peuplades de la Dacie, avec celles des Avares. Celles-ci concernaient surtout la naissance, la mort, le mariage, le culte des divinités païennes etc.

 

A en juger d’après des noms de lieux comme «Igrice» gardés en Panonie et sur la Tisa supérieure, ces Slaves avaient une sorte d’artistes-chanteurs nommés igrici, lat. joculatores. Au bout d’un certain temps pendant lequel ils exerçaient leur profession à la cour du seigneur féodal, ils devenaient libres et on leur donnait un lopin de terre en pleine propriété.

 

C’est de là que provient le nom de lieu: «Igrice» des Slaves moraves, mentionné aussi dans le «Dit de l’armée d’Igor». Cette manifestation culturelle a été empruntée aux Slaves moraves de la Panonie par les féodaux hongrois. La forme toponymique Igrici avec «i» pour «ь» prouve qu’il s’agit de l’existence de ces igrici à l’époque de la Grande Moravie, notamment jusqu’à la première moitié du Xᵉ siècle [12].

 

Les Slaves moraves sont les premiers qui soient arrivés à une culture plus élevée grâce au christianisme, l’idéologie spécifique du moyen âge. L’aube de cette culture vint aux Slaves moraves de l’Occident. Dans la Grande Moravie venaient des missionnaires chrétiens de l’Italie, de la Grèce, de l’Allemagne, de l’Irlande [13]. Celte culture consistait au commencement dans des formules de confession, de baptême, de mariage et dans des prières élémentaires: le Pater, le Credo sous forme abrégée [14], notamment le symbole dit «des apôtres», ou le «Kyrie eleison», devenu, à cause de son ancienneté, dans la langue des Slaves occidentaux «Krleş» [15]. Le chant a une tradition très ancienne aussi chez les Slaves de la Tisa supérieure.

 

La nouvelle culture chrétienne se répandait chez les Slaves moraves dans une langue étrangère. L’empire franc essayait par ce moyen d’étendre sa domination politique vers l’est dans le monde slave. Pour l’arrêter, Rostislav, empereur delà Grande Moravie, lui a opposé cette même culture chrétienne, mais en langue slave: «slovènskymŭ językomŭ », «našimŭ językomŭ». À la base de cette langue étaient les dialectes bulgares des environs de Salonique, d’où étaient originaires Cyrille et Méthode. Cette langue des premières traductions et des premiers services religieux s’est adaptée à celle des Slaves moraves. Dans ce but, Cyrille et Méthode fondèrent dans la Grande Moravie des écoles

 

 

12. Il s'agit donc d’un emprunt fait avant la vocalisation des iers forts et avant la disparition des iers faibles. Dans la région de la Tisa supérieure ce toponyme se retrouve dans le département de Borsodska, au sud de Michkoltz. Deux autres toponymes se retrouvent près du lac Balaton. (Cf. J. Stanislav, Dějiny., pp. 225 — 226.)

 

13. La plus ancienne attestation à cet égard se trouve dans la Vie de Méthode chap. V, (Voir, Jan Stanislav, Slovanski apostoli Cyril a Metod a ich činnost’ vo Velkomoravskéj, Ríši Bratislava, 1945, p. 72, et E. Pauliny, Dějiny spisovnej slovenčiny, Bratislava, 1948, p. 384).

 

14. Eug. Pauliny, ouor. cité, p. 337—343. A. V. Isačenko, Zaciatky vzdělanosti vo Velkomoravskej riši, dans «Jazykov sborník». I—II, 1947, p. 137—178. Beaucoup de ces productions sont conservées dans les Feuillets frisiens, surtout dans la seconde partie écrite dans la Grande Moravie, Adhortatio ad poenitentiam. (Cf. A. V. Isačenko, Jazyk a pôvod Frizinskcýh pamiatok, Bratislava, 1943, p. 48—55. E. Pauliny, ouvr. cité, p. 343).

 

15. L’ancienneté de la forme «Krleş» est visible aussi dans le fait qu'elle a été soumise au même traitement que les mots slaves qui avaient un r syllabique: Kir- > Kĭr > Kr. — Le passage de l’s final à l’š caractérise les mots étrangers du slave morave. Le phénomène provient des dialectes italiens du nord (Cf. Miloš Weingart, Československý typ cirkevnej slovančiny, Bratislava, 1949, p. 88—91. Ján Stanislav, Dějiny. . I, p. 208 et suiv.)

 

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avec des disciples pris parmi les Moraves, tels que Gorazd, que Méthode a laissé pour son successeur, en disant: «Celui-ci est un homme libre de votre terre, connaissant bien les livres latins, très fidèle aux dogmes» [16].

 

Le nom de Gorazd, de môme que celui de Boleraz, un autre féodal et collaborateur insigne des deux missionnaires, se conservent dans la région des Petites Karpates, Nitra-Ostrihom, comme noms de lieux [17]. Les plus anciens textes moraves conservés en copies du Xᵉ siècle, tels les Feuilles de Kiev, etc., prouvent que l’adoption s’est faite dans ce dialecte morave à partir duquel s’est développé plus tard le slovaque central. C’est toujours là que se trouve le toponyme Kajicha, le nom du prêtre envoyé avec 30 aides et avec le prince tchèque Bořivoj en Bohême pour christianiser les Tchèques en 874 [18]. Il y eut ici, certainement, aussi d’autres disciples dont nous ne connaissons pas les noms. Mais on sait qu’à la cour de Kocel en Pannonie il y en eut 50. Plus tard, vers le fin delà vie de Méthode, il y avait en Moravie environ 200 de ses disciples. Ceux-ci ont continué son œuvre même quand Méthode fut mis en prison. L’époque la plus florissante de son activité est celle qui suit la libération de Méthode et va jusqu’à sa mort, c’est-à-dire entre 874 et 885. Maintenant Méthode est soutenu par le pape Jean VIII. Les trois évêques occidentaux qui l’avait persécuté et étaient ses ennemis, étaient morts: Adalvin de Salzbourg, Hermanrich de Passau, Manon de Freissing. Le rusé et méchant Viching, le chef du clergé allemand, était maintenant le vicaire de Méthode. Le pouvoir de celui-ci est à son apogée. Il est à la fois archevêque de Moravie et de Panonie. Le pape lui donne des pouvoirs sur «tous les pays slaves», «vsički slavjansky strany». Cette activité s’étend aux Slaves de la Vistule et dans l’Ukraïne de l’ouest.

 

Nous considérons qu’à cette époque la nouvelle culture de langue slave se répand aussi par les disciples de Cyrille et de Méthode, de la Grande Moravie aux Slaves du nord de la Transylvanie et du Maramureş. L’interprétation juste des faits historiques et linguistiques nous montre que cette hypothèse ne peut pas être exclue. Dans la Vie de Méthode il est dit que depuis ce temps-là l’enseignement du Seigneur «a commencé à croître fortement, le nombre des prêtres et des églises à devenir plus grand, les païens à croire en Dieu» [19]. En même temps le pouvoir politique de la Grande Moravie avait commencé à s’étendre de tous les côtés: en Bohème, dans la Serbie Lusacienne, dans la principauté polonaise de Cracovie. Le pape Jean VIII lui-même oblige le prince serbe Muntimir à s’unir avec le diocèse de Pannonie sous l’autorité de Méthode.

 

Dans la sphère de celte activité entre aussi le nord de la Transylvanie avec le Maramureş. D’après certaines attestations même, toute la Transylvanie

 

 

16.  Cf. J. Stanislav, Životy slovanských apistolov Cyrila a Metoda, Bratislava, 1949, p. 74.

 

17. Jàn Stanislav, Zo slovenského sociálneho miestopisu, dans Jazykovedný sborník, V, 1951, p. 58—96... Dějiny, p. 211—216. P. Olteanu, Numiri slave în Transilvania de Nord, «Limbă şi lit.», III. Buc., 1957, p. 185—214.

 

18. J. Stanislav, montre que le toponyme Kaj-al, qui a le même radical que Kaj-ich, se trouve a côté de Gorazd et de Galanta. Kajich était un homme de confiance de Svatopluk et de Gorazd. Ils l’envoient en Tchéquie en le chargeant d’une mission politique, et non pas seulement religieuse. (Cf. ouvr. cité, p. 213).

 

19. Život Metoda, Cap. X, (d’après, J. Stanislav, ouvr. cité, p. 67).

 

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dépendait de la Grande Moravie. Ainsi le Morave J. G. Stredovský affirme que deux des disciples de Cyrille et de Méthode de la Grande Moravie ont été missionnaires dans la Dacie. . .» Taies sunt apostolorum nostrorum missionarii: Bezrad in Panonia. . . Jandov in Dacia, Navrok in Rusia, in Alpibus Valachicis Moznopon [20].

 

Par «les montagnes vainques» il faut entendre «les montagnes roumaines», probablement les Karpates occidentales, les monts du Bihor, où le rite slave avait pris des racines si fortes, que l’évêché latin d’Oradea et d’Alba Iulia se plaignait au XIIIᵉ XIVᵉ siècles de ne plus pouvoir l’extirper [21].

 

I. G. Stredovský affirme que le chef de la mission de Dacie a été Jandov et que Cyrille et Méthode ont passé dans l’Ukraïne par la Transylvanie [22].

 

Les informations de Stredovský étaient connues aussi du savant roumain Bogdan Petriceicu Hasdeu [23]. Maints savants les ont cependant considérées comme controuvées [24].

 

L'introduction de la liturgie slave de la Grande Moravie dans la Transylvanie du nord et dans le Maramureş, nous la considérons, avec Grigore Nandriş, A. D. Xenopol, I. Nistor, comme fort probable [25].

 

Le fait aurait pu avoir lieu même si aucune partie de la Dacie n’avait appartenu à la Grande Moravie. Le nord de la Transylvanie était étroitement uni à la Slovaquie orientale, à l’Ukraine occidentale, qui sont entrées certainement dans la sphère d’activité de Cyrille et de Méthode. I. Ohienko, le spécialiste ukrainien des problèmes cyrillo-méthodiennes, dit que l’accroissement politique de la Grande Moravie a permis à Méthode de travailler

 

 

20. J. G. Stredovský, Historia sacrae Moraviae, Solisbaci, 1728, p. 231.

 

21. Voir, Al. Grecu, Bulgarii in nordul Dunării în veacurile IX-lea pină la al X-lea, dans «Studii şi cercetări de Istorie medie», 1950, vol. I, p, 223—236.

 

22. . . . «Transilvania infra Tibiscum sub imperlo Moravorum inculentes, christianitati sunt agressi nomen. . . et Dacie evangelii predicatorem nuper sacerdotem Jandowu praefecerant» (I. G. Stredovský, ouvr. cité, p. 235), sur les routes vers l’Ukraïne occidentale, à la page 238.

 

23. B. P. Hasdeu, souligne aussi l’importance du slave ecclésiastique chez les Roumains dans Limba slavică la romîni pînă la anul 1400, («Traian», 1869, p. 168).

 

24. Par exemple, J. Dobrovský, dans sa polémique avec Dobner et comp. V. Jagić, Вопросъ о Кирилѣ и Методий dans Slavjanskaja filologija, Saint Pétersbourg, 1885, p. 7—40. Chez nous on doute de la justesse de l’opinion de J. C. Stredovský: B. P. Hasdeu, Ştefan Duşan şi Macedono-Romînii, dans «Arhiva Istorică», — III (1867), p. 178; Ion Bogdan, Analiza critică a cîtorva notiţe... dans «Convorbiri literare», XXIII, 1889, p. 295—317, et M. P. Dan, Cehi, slovaci şi romîni în sec. XIII-XIV, Cluj, 1944, p. 71.

 

25. A. D. Xenopol, considère que le christianisme est venu chez les Roumains de l’ouest d’abord et puis du sud-ouest des Bulgares pendant le règne du tsar Boris (852—888) et surtout pendant celui du tsar Siméon (893—927). (Cf. Istoria Romînilor, I, 1888, Jassy, p. 451 sq.)

 

I. Nistor, admet comme «certaine» l’introduction de la liturgie slave chez les Roumains de la Grande Moravie (Cf. Cehoslovacii şi Romînii, dans «Codrul Cosminului», Cernăuţi, (1930), VI, p. 264 et suiv.)

 

Grigore Nandriş, affirme: «Nous ne pouvons pas exclure a priori la possibilité de l’influence slave sur les pays roumains de la Moravie-Slovaquie à l’époque postérieure à l’activité de Cyrille et de Méthode. Les fruits de cette activité ont été riches aussi pour les parties roumaines de ce pays qui venaient en contact avec le territoire morave. (Cf. The Beginnings of slavonic culture in the Roumanian countries, dans «Slavonic Review», 1946, Londres, p. 160—171.)

 

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non seulement en Moravie, mais aussi dans les pays slaves voisins, avec l’aide des meilleurs de ses disciples.

 

L’influence de son œuvre de missionnaire a dû s’étendre aux pays qui avoisinaient la Grande Moravie et qui entretenaient des rapports politiques avec elle» [26]. I. Ohienko ajoute qu’une partie de l’Ukraine occidentale appartenait à la Grande Moravie «naležala sjude i časlična zachidno ukrajnskogo narodu». Il est indubitable, d’après lui, que Méthode ou bien ses disciples ont christianisé aussi cette partie du peuple russe [27].

 

C’est pour cela peut-être que s’est conservée jusqu’à présent dans le Maramureş, dans la Transylvanie du nord et chez les gréco-catholiques de l'est de la Slovaquie une langue slave ecclésiastique d’un type distinct par ses moravismes et par ses éléments locaux que nous analyserons plus loin.

 

*

 

Voyons d’abord ce qu’on objecte à l’opinion que la liturgie slave s’est répandue de la Grande Moravie dans la Transylvanie du nord et dans le Maramureş, et quels sont, les arguments à l’appui de l’opinion dominante que la liturgie slave s’est répandue chez nous de la Bulgarie seulement.

 

On a prétendu que la dispersion de la liturgie slave en Dacie à partir de la Grande Moravie n’est pas attestée par des documents historiques; que même dans la Grande Moravie la liturgie slave n’a eu qu’une existence précaire, qu’elle a existé d’une manière intermittente et que, à cause de cela, elle n’a pas pu se répandre ailleurs. Mais nous avons montré—et c’est un fait établi — que la nouvelle culture chrétienne en langue slave s’est répandue de Moravie chez les Polonais, les Ukrainiens, les Serbes Lusaciens, les Tchèques. . . D’ailleurs des documents historiques manquent aussi pour appuyer l’affirmation que la liturgie slave est venue en Dacie de Bulgarie.

 

Une objection plus sérieuse serait que dans le nord de la Dacie il ne s’est pas conservé de textes glagolitiques, comme dans la Grande Moravie. Mais dans cette région on n’a pas trouvé, non plus de textes cyrilliques. La plus ancienne inscription cyrillique découverte depuis peu près de Constantza date de 943 [28], et les premiers textes, des dernières décades du XIVᵉ siècle: en Valachie, la charte de Vladislav concernant la fondation du monastère de Vodiţa, de 1370, et en Moldavie, l’acte de Roman Muşat, de 1393. Le fait que la culture chrétienne en Moravie a été glagolitique n’exclut pas la possibilité de l’introduction de la liturgie slave chez nous, venant de la Grande Moravie [29].

 

Les dernières découvertes cl recherches concernant l’écriture chez les Slaves font changer les vieilles opinions sur l’introduction du «cyrillique» chez les Roumains. L’inscription des environs de Constantza et les documents écrits sur écorce de bouleau trouvés dans le nord de la Russie renforcent l’idée que les deux alphabets sont aussi vieux l’un que l’autre. L’emploi

 

 

26. Cf. Константин и Метудии их жития и дияльність, Varsovie, 1928, р. 339 et suiv.

 

27. Ibidem, р. 340—341.

 

28. D’après certaines opinions, cette inscription serait faite sous une influence russe. (Voir dans ce volume l’interpretation de cette inscription et la bibliographie qu'en donne Damian Bogdan.)

 

29. Gr. Nandriş, afirme: The argument, that this culture is Glagolitic does not eliminate that possibility (Cf. ouvr. cité, p. 160.)

 

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de l’alphabet glagolitique en Moravie s’explique par le fait que cet alphabet, étant plus éloigné de l'alphabet grec, aurait pu paraître moins suspect aux latins [30].

 

Nous n’avons pas d’informations précises sur l’introduction de Bulgarie, de l’écriture et de la liturgie slaves, chez les Roumains, comme nous n’en avons pas non plus sur leur introduction de Grande Moravie. Entre les opinions de ceux qui ont soutenu leur introduction de Bulgarie il y a jusqu’à nos jours beaucoup de contradictions et quelques-unes contiennent même des anachronismes.

 

Ainsi, Miron Costin croyait qu’à peine à l’époque d’Alexandre le Bon (1400—1432) des livres cyrilliques, qui ont remplacé les livres latins, avaient été apportés chez nous. Les livres cyrilliques auraient été apportés de Bulgarie, du patriarcat d’Ochrida. Ceci aurait eu lieu après le concile de Florence, comme une conséquence du malentendu survenu entre les deux Églises. Dimitrie Cantemir était du même avis. Mais cette opinion ne peut pas se soutenir parce que les plus anciens documents slaves écrits en cyrillique datent de la fin du XIVᵉ siècle, tandis que l’inscription des environs de Constantza est de 943; le concile de Florence s’est réuni après la mort d’Alexandre le Bon, à savoir en 1439; Alexandre le Bon a été catholique et n’aurait pas éliminé des livres latins; Michail Lascaris a montré que l’église de Moldavie et de Transylvanie ne dépendaient pas du patriarcat d’Ochrida [31].

 

Aussi peu fondée s'cst avérée l’opinion du premier historien bulgare Hilendarski, qui dans sa chronique «Slavjano-bălgarskata istoria» montre que la liturgie slave a été introduite chez les Roumains au XIIᵉ siècle à l’époque de l’empire roumaino-bulgare de Pierre et Assan, qui aurait conquis aussi les pays du nord du Danube. Le tsar Assan lui même y aurait introduit de force le cyrillique, sur le conseil du métropolite Théophilacte d’Ochrida. Mais ce métropolite a vécu bien avant les frères Pierre et Assan, qui n’ont pas été maîtres du nord du Danube où, à cette époque, se trouvaient les Coumans, leurs amis [32].

 

 

30. Ellist H. Minns, Saint Cyril really knew Hebrew, «Mélanges- Paul Boyer» 1925, p. 97 et Gr. Nandriş, ouvr. cité, p. 160—161 et note 1.

 

Certains palimpsestes montrent cependant que la plus ancienne écriture dans les documents est l'écriture glagolitique. L'introduction de l’écriture chez les Slaves a été influencée aussi par l’écriture des langues sémitiques, spécialement celle des langues syrienne et hébraïque cf. K. Horálek, Начало на писмеността y славяните, dans «Sborník» T. Balan Todorov, Sophie 1955, p. 417—424; Sv. Kiril i semitskie jazyky, dans For Roman Jacobson on the Occasion of his sixtieth birthday, 1956, Haga, p. 230—235, où il montre que Cyrille a pris connaisance à Chersoń, au cours de la mission chez les Khazars du nord du Caucase, de «livres syriens».

 

31. Michel Lascaris, Joachime, métropolite de Moldavie et les relations de l’églies moldave avec le Patriarcat de Pec el l'Archevèché d’Aochlis au XVᵉ siècle. (Acad. Roumaine, «Bulletin de la section historique», XIII, 1927, p. 142.

 

Voir la réfutation des vieilles opinions concernant ce problème dans Ion Bogdan: Analiza critică... p. 309—311; P. P. Panaitescu, Începuturile influenţei slave la Romîni, Buc., 1938, p. 283—286. Gr. Nandriş, ouvr. cité, p. 162—163).

 

32. Paisie Hilandarski, Славянобългарската история 1762; ou: Царственикъ или ист. болгарская, Buda, 1844. Voir aussi l’excellente monographie de Bojan Penev sur Paisie Hilendarski, Sophie, 1918. Pour le manque de fondement de cette opinion, voir, Theiner, Vetera monumentu Slavorum meridionalium, I, p. 42—54; A. A. Vasiliev, Les invasions barbares et le peuplement de l'Europe, I, 1937, p. 229. Gr. Nandriş, ouvr. cité, p. 168 et les notes 1—2, et P. P. Panaitescu, ouvr. cité, p. 287—288.

 

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Ilie Bărbulescu croyait que l’introduction de la liturgie slave chez les Roumains n’a pu avoir lieu qu’au XIIᵉ siècle, parce que, d’après ce slaviste, les rapports linguistiques eux mômes entre Roumains et Slaves commencent à cette époque-là [33].

 

L’historien Rössler considère que les Roumains ont apporté la liturgie slave du sud du Danube vers le début du XIIIᵉ siècle [34]; la preuve en seraient aussi les caractères bulgares des éléments slaves de la langue roumaine. Mais on sait que l’élément ethnique daco-roumain a existé en Transylvanie en symbiose avec l’élément slave avant le XIIIᵉ siècle.

 

L’existence de la liturgie chez un peuple implique une vie sédentaire et non nomade. Certains éléments slaves de la langue hongroise ont aussi des caractères bulgares, mais personne n’a expliqué cela par la vie comune des Hongrois et des Bulgares au sud du Danube. Les éléments slaves des langues roumaine et hongroise ont aussi d’autres caractères non seulement bulgares. Les noms de lieux d’origine slave de la Hongrie possèdent aussi des caractères slaves occidentaux, «slovaques». Les toponymes slaves du nord de la Transylvanie ont les mêmes caractères. D’autres toponymes slaves de chez nous ont des caractères slaves orientaux. Le caractère bulgare des éléments slaves de la langue roumaine est en grande partie d’origine livresque et apparaît plus tard.

 

L’historien N. Iorga et le byzantiniste N. Bănescu considèrent que la liturgie slave a été introduite chez les Roumains à peine vers le XIIIᵉ siècle, sous l’influence des évêchés bulgares du Danube, particulièrement de celui de Vidin [35].

 

L’introduction de la liturgie slave chez nous doit avoir eu lieu bien avant cette date et celle de l’apparition des premiers textes. C’est ce qu’affirmaient, sans l'appui d’une argumentation précise, E. Kalužniacki et P. Cancel [36]. Seul A. D. Xenopol précise que la chose c’est effectuée d’abord en partant de l’ouest, puis à partir de la Bulgarie à la fin du IXᵉ siècle et au commencement du Xe, sous le règne du tsar Siméon [37]. Ion Bogdan montre que l’alphabet cyrillique a été emprunté par les Roumains aux Bulgares, mais pendant un intervalle plus étendu; du VIIᵉ jusqu’au XIIᵉ siècle, sans apporter de précisions [38].

 

Durant ces derniers temps, P. P. Panaitescu s’est occupé de ce problème et a montré que la liturgie slave a été introduite chez les Roumains au

 

 

33. Cf. Curentele literare la Romîni în timpul perioadei Slavismului cultural, Bucarest, 1928, p. 423. Mais Ilie Bărbulescu n'apporte pas de preuves à l’appui de cette opinion.

 

34. R. Rössler, Die rumänische Studien, Vienne, 1881.

 

35. N. Bănescu, L'ancien État bulgare et les pays roumains, Bucarest, 1947, p. 97. Ici aussi la bibliographie.

 

36. E. Kalužniacki, Куриловское письмо y Румуну, dans «Encyklopedija Slavjanskoj Filologiji», 1915, p. 7—8. P. Cancel, Cînd au împrumutat romînii alfabetul chirilic, dans «à N. Iorga, hommage», Bucarest, 1921, p. 67—70. Sur ces rapports entre Roumains et Slaves, voir aussi A. J. Sobolevski, Румыны среди славянскихъ народовъ, 1917, St. Pétersbourg.

 

37. A. D. Xenopol, ouvr. cité, I, p. 451.

 

38. Ion Bogdan, apporte une série d’arguments linguistiques (Cf. De la cine şi cind au împrumutul romînii alfabetul chirilic? Dans «à Titu Maiorescu, hommage», Bucarest, 1900, pp. 357—359.

 

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commencement du Xᵉ siècle, sous le tsar Siméon, comme une conséquence de la suprématie des Bulgares au nord du Danube [39].

 

L’argumentation du professeur P. P. Panaitescu est judicieuse, mais elle s’appuie sur des interprétations de faits et de situations, et non sur des données fournies pas des documents. Les sources les plus indiquées, les légendes ou les vies de Cyrille et de Méthode ne nous disent rien de l’introduction de la liturgie slave chez les Roumains. Elles se sont conservées dans des copies de la seconde moitié du XVᵉ siècle, et la version italienne est du XIVᵉ siècle. Il semble toutefois que la liturgie slave n'a pas pu être introduite de Bulgarie chez les Roumains juste au début du Xᵉ siècle à l’époque du tsar Siméon, mais à peine pendant la seconde moitié du Xᵉ siècle.

 

Certains historiens bulgares, comme V. S. Kiselkov, ont montré que c’est à peine vers le milieu du Xᵉ siècle que l’église bulgare s’est slavisée. Ce n’est qu’à partir de cette époque que les Slaves ont accès aux évêchés à la place des Grecs: Kliment à Ochrida, Constantin à Preslav. Dans son vaste ouvrage consacré aux apôtres des Slaves Cyrille et Méthode, Kiselkov écrit textuellement: «On peut dire sans ombre d’un doute que l’église bulgare a été déjà complètement slavisée jusqu’au milieu du Xᵉ siècle, puisque tous ses principaux serviteurs ont été des Slaves bulgares et que le service religieux se faisait en langue slave et avec des livres slaves [40]».

 

La Bulgarie ne pouvait donc pas aider ta diffusion de la culture slave dans toute la Dacie au début du Xᵉ siècle, parce qu'alors, même en Bulgarie, on n’employait pas exclusivement des livres slaves, et que la langue slave ne s’était pas encore imposée comme langue sacrée, à cause des Grecs et des partisans des offices religieux en grec. A cette époque, les apôtres des Slaves du sud ont pu enseigner tout au plus dans les contrées voisines de la Dobroudja, sur les bord du Danube. Mais il n’ont pu atteindre le nord de la Transylvanie, et le Maramureş probablement pas même après 930, surtout parce que la domination bulgare en Dacie cesse à cause des Petchénègues qui s’étaient établis en Valachie. L’empire morave, voisin des Bulgares, d’autre part, tombe sous le joug des Hongrois, qui commencent à pénétrer en Dacie, d’abord dans le Banat et dans la vallée du Mureş.

 

Il faut admettre, d’autre part, que la liturgie slave s’est répandue sur tout le territoire de la Dacie avant la conquête de la Transylvanie par les Hongrois, c’est-à-dire jusqu’à la fin du XIᵉ siècle, car les Hongrois, étant attachés à Rome auraient empêché la propagation du culte slave. Cela doit être entendu avec une certaine relativité, puisque la diffusion de livres et de manuscrits slaves a continué sous les Hongrois. Nous voyons même d’après le matériel conservé et connu, que certains livres slaves étaient même imprimés en Transylvanie, où l’on rédigeait même des manuscrits en slave et où l’on a conservé aussi quelques inscriptions rédigées dans la même langue. Beaucoup de livres slaves aussi furent imprimés à Budapest et en Valachie, etc. Au commencement, les Hongrois eux-mêmes ont emprunté aux Slaves moraves

 

 

39. P. P. Panaitescu, ouvr. cité, La littérature slavo-roumaine et son importance pour l'histoire des littératures slaves, 1925, Prague, pp. 1—4.

 

40. Vasil Kisel Kiselkov, Славянските просветители Курил и Метод и тѣхната деятельность. Sophie, 1945, р. 428.

 

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et pannoniens des formes de culture, des institutions et de nombreux mots slaves, ayant rapport à tous les domaines de la vie, inclusivement la vie religieusse [41]. Quelques-uns de ces mots, tant hongrois que roumains, ont des caractères bulgares, comme par exemple: tj, kt, gt, > št, mošt, moštoha, maştera, sfeştanie, etc., ou bien un dj > jd: nadejda, primejdie, odăjdii, etc. Ce n’est pas à dire que ces mots aient été répandus par des missionnaires bulgares en même temps que la langue liturgique. Ils se trouvaient déjà dans le slave ecclésiastique introduit par Cyrille et Méthode dans la Grande Moravie. C'est pour cela qu’il se retrouvent dans les textes moraves, russes, serbes et chez nous, dans le slave karpatique. Ils constituent un fonds commun de la première langue littéraire et ecclésiastique de tous les Slaves. D’autres mots à caractères bulgares ayant une origine populaire se sont répandus tant dans le roumain, que dans le hongrois, comme appellatifs, après être entrés dans ces langues par le contact avec les Bulgares dans le régions du sud. C’est ainsi que se sont répandus chez nous les mots «grădişte», «peşteră», et chez les Hongrois, «peşti», poêle, four, etc.

 

*

 

Nous considérons donc que la liturgie slave a pu se répandre de Bulgarie d’une façon soutenue, après 950, au nord du Danube et gagner jusqu’à la fin du XIᵉ siècle des parties de la Transylvanie aussi. La liturgie slave s’est répandue pendant la même époque aussi chez les Serbes et chez les Slaves orientaux, qui, comme la population de la Dacie, connaissaient la civilisation chrétienne avant cette époque.

 

Cette culture, comme nous l’avons vu, avait déjà commencé à se répandre de la Grande Moravie dans le nord de la Transylvanie et dans le Maramureş depuis la fin du IXᵉ siècle, surtout après 874.

 

Cette région était étroitement rattachée à la Grande Moravie aussi par le commerce du sel que l’on extrayait des mines du nord de la Transylvanie. Le professeur Vaclav Chaloupecký a montré les routes par lesquelles le sel arrivait de là- bas jusqu’en Tchéquie.

 

C’étaient les vallées des rivières: Sadzava, Iplu, Slana. Les relais sont marqués par des toponymes, comme Solniky, Solna cesta, — La route du sel (Sah-ut), allatores salis [42]. Par ces routes les apôtres de la nouvelle culture, ont pu facilement venir de la Grande Moravie aussi, surtout parce que la région était connue de Cyrille et Méthode, qui sont venus par là pour la première fois dans la Grande Moravie. C’est toujours par là qu’ils se rendirent vers l’Ukraine occidentale et même lorsque Méthode alla pour la dernière fois à Constantinople en 881, il évita de passer par la Bulgarie et la Pannonie, préférant la route par la Dacie.

 

Après 874, Méthode dirigea son activité plutôt sur les régions de l’est et du sud. Il évitait les régions occidentales pour ne pas entrer de nouveau en conflit avec le clergé allemand.

 


41. Voir à cet égard l’étude récente et la plus complète jusqu’à présent des éléments slaves de la langue hongroise du slaviste Istvan Kniezsa», «A magyar nylv szlav jovevesyszavai, I—II, 1955, Budapest, p. 1043.

 

42. Vaclav Cháloupecký, Otázka sůl, dans «Sborník filoz. fakulty», Bratislava, 1925, no. 30, et «Staré Slovensko», Bratislava, 1923.

 

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L’évêque de Salzbourg était très ambitieux. Le pape Jean VIII était même inquiet de ses aspirations qu’il essaya de tempérer en accordant à Méthode des droits plus grands et en les lui renforçant [43].

 

Toute l’activité de Méthode et de ses disciples en Dacie est d’ailleurs attestée par les Vies abrégées des deux apôtres des Slaves, par les recueils de légendes sur leurs vie, par le «Pochvalnoe slovo». Les informations de ces ouvrages sont parfois assez générales, mais d'autres fois assez précises.

 

Ainsi «La seconde vie de Naum» qui date des XIIIᵉ — XIVᵉ siècles, fournit beaucoup de détails documentaires empruntés à des sources plus anciennes. Il y est dit que les disciples de Cyrille et de Méthode, chassés de la Grande Moravie, «se sont répandus les uns par la Moesie, d’autres par la Dalmatie et la Dacie en faisant centupler les fruits de la parole de Dieu» [44]. Mais par Dacie on pourrait entendre aussi la Dacie Aurélienne du sud du Danube.

 

Dans «Pochvalnoe slovo» Kliment d’Ochrida, appelle Cyrille et Méthode «apôtres de toutes les contrées éclairant les horizons du monde entier» [45].

 

Dans un hymne des XIᵉ—XIIᵉ siècles, Cyrille est honoré comme prédicateur dans tout le monde mais aussi dans le pays russe. .. severskoo i rusĭsko i zapadno zeme prosveščaja ichŭ svetomŭ nezachodnymĭ» [46]. Par «rusiska zem» nous devons entendre l’Ukraine occidentale. C’est la plus ancienne source qui mentionne l’activité de Cyrille en «Russie». Les affirmations de J. G. Stredovský ont donc une base historique. Même son plus sévère critique, V. I. Jagić, reconnaît que, dans certains problèmes, la nouvelle critique est enclinée de plus en plus à prêter foi [47] aux informations fournies par ce Morave ou par ce Slovaque comme le considérait B. P. Hasdeu [48].

 

Ces informations et les interprétations d’Ivan Ohienko viennent à l’appui de nos affirmations.

 

Méthode est considéré dans d’autres Vies et hymnes, comme archevêque de la terre morave [49] ou de la Moravie et de la Pannonie [50] ou bien «de la Moravie pannonienne» [51]. Dans une Vie courte de Méthode datant du XIIIᵉ siècle, il est appelé archevêque des deux Moravies Supérieures «irepodobny otéci našĭ Methodie archiepiskopŭ vyšnuju Moravu» [52]. Nous avons ici une

 

 

43. Vasil Kisel Kiselkov, ouvr. cité, p. 293 et suiv.

 

44. Voir, Iordan Ivanov, Български старини из Македония, 2е ed. Sophie, 1931, p. 313.

 

45. A. Todorov—Bălan, ouvr. cité, p. 109.

 

46. Cf. I. Ivanov, Служба на cв. Курила, о. c. Sophie, 1931, IIе ed. p. 294.

 

47. I. V. Jagić, Вопросъ о Курилѣ и Методии, р. 7.

 

48. В. Р. Hasdeu, Ştefan Duşan şi Macedono-romînii..., p. 178.

 

49. Dans la vie de Naum d’Ochrida, «A Moravskaa zemlja jakože hé proreklŭ sv. Méthode archiepiskopŭ» (I. Ivanov, ouvr. cité, p. 307).

 

50. Dans l’hymne de Méthode... Tja blažené poet zeme Moravská, čestno tvoe telo imajǫšti i Panońska». Cyrille, comme Méthode, y est honoré «sur la terre de la Mysie, de Pannonie et de Moravie». (I. Ivanov, ouvr. cité, p. 304—305).

 

51. I. Ivanov, ouvr. cité, p. 314 et suiv.

 

52. Dans les Vies de Constantin et de Méthode du manuscrit Rumeanţev. Plus tard d’autres sources mettent ici le singulier parce que l’on ne connaissait plus l’État d’autrefois de Grande Moravie. Et surtout dans les textes du sud (J. Stanislav, Dějiny ... I, p. 148 et suiv).

 

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forme de duel au génitif [53]. Des recherches récentes montrent que les deux Moravies étaient: l'une, la Grande Moravie formée de la Slovaquie, de la Moravie, du nord de la Hongrie, ayant 30 cités; l’autre s’étendant au-delà du Danube et ayant seulement 11 cités [54]. Vers l’est, la frontière de Mojmír s’étendait jusqu’aux Karpates, ce qui facilitait l’activité de Cyrille et de Méthode dans ces contrées [55].

 

Selon d’autres interprétations il s’agit en réalité de deux Moravies: La Moravie Supérieure «vyšna» et la Moravie inférieure, «nižna» ou «inferior». Cette dernière était plus isolée du pays de Svatopluk. Elle entrait dans le cadre de l’empire bulgare, et certains chercheurs identifient cette Moravie avec la région de la Tisa supérieure, avec le nord-ouest de la Dacie. Cette région jouissait d’une situation indépendante aussi par rapport aux Bulgares. Elle avait, depuis déjà la fin du IXᵉ siècle, une organisation ecclésiastique propre. Le slaviste P. J. Šafařík relate qu’en 879 la Moravie «Inferior» avait un représentant, qui participait au synode de Photios de Constantinople. Byzance s’intéressait particulièrement à cette région pour contrebalancer la puissante influence latino-germanique qui s’exerçait dans la Moravie Supérieure. L’existence d’une Moravie dans le sein de l’empire bulgare est confirmée aussi dans le texte slave de la légende de Solun, où parmi d’autres princes bulgares, tels celui de Preslav, etc., est mentionné «le grand prince de Moravie, Desimir». Veliki kniazŭ Desimirŭ Moravski i Radivoj knjazŭ Preslavski i vsi knjazi Blĭgarski [56].

 

Une preuve que les sources parlent d’au moins deux Moravies, c’est que les Polonais emploient jusqu’à nos jours, pour parler de la Moravie, la forme du pluriel «Moravy» [57].

 

La culture slave de Dacie a été renforcée aussi par les Slaves moraves réfugiés ici et chez d’autres peuples voisins à cause de la venue des Hongrois en Pannonie [58]. On lit dans la première vie de Naum que les Slaves moraves se sont réfugiés chez les Bulgares. . . «vŭ blĭgary bežaše» et que leur pays est resté désert au pouvoir des Hongrois [59]. Par «Bulgares» on comprend aussi la Dacie qui était sous la domination politique des Bulgares. Ceux-ci

 

 

53. D’autres cependant comme V. Jagič, ont vu ici une forme serbe en - u du génitif singulier du médio-bulgare: vyšnjǫjǫ Moravǫ, (Cf. Enstehungsgeschichte der Kirchenslavischen Sprache, ed. II, 1913, Berlin, p. 177).

 

54. V. Vaneček, Prvnich tisíc let, 19-19, p. 50 et 59; I. L. Červinka, Slovane na Morave a riše Velkomoravská, Prague, 1948 et T. Děkan, Príspevok к otázke politických hraníc Velkej Moravy, (Historický sborník», 19-48, p. 201—202.

 

55. J. Stanislav, ouvr. cité, p. 149 et «Jazykov. sborník», IV, 1950, p. 257—259.

 

56. Apud Ondřej R. Halaga, Slovanské osídlenie Potisia a východoslovenskí greckokatolici, Kosice, 1947, p. 30—31.

 

57. Cf. V. Vaněček, ouvr. cité, p. 59. J. Stanislav, ouvr. cité, p. 147—148. Des détails importants sur la culture et sur la situation politique des différentes régions de la Grande Moravie, dans le travail de Jozef Poulik; «Staroslovanská Morava», Prague, 1948, p. 110, 115 et 117.

 

58. Constantin Porphyrogénète, De administrando imperio, (Migne, Patrologia Graeca, CXIII, colonnes, 317—318.)

 

59. Le texte date de ia première moitié du Xᵉ siècle, donc d'une époque assez rapprochée de ces événements, qui-у dtt-on-ont eu lieu à cause des sacrilèges des Moraves, qui avaient persécuté et chassé ies disciples de Cyrille et de Méthode. Ces Slaves seuls se sont enfuis que les Hongrois n’ont pas emmenés en esclavage... (I. lvanov, ouvr. cité, p. 307).

 

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disposaient du sel des mines de Transylvanie. La population de la Dacie leur payait la dîme en sel, en bétail [60].

 

Mais la population de la Tisa supérieure du Maramureş n’était pas bulgare. Les Bulgares s’étaient établis plus au sud, vers le Mureş. Plus au nord il y avait les Slaves moraves, notamment les Slovaques. L’expression de l’Anonyme «sklaui et bulgari» signifie les Slaves («Slovaques) et les Bulgares» et non «les Slaves bulgares» comme l’avait compris d’une manière erronée V. Chaloupecky [61].

 

Les récentes études de toponomastique de la région ont renversé l’ancienne opinion, qui n’avait pas de fondement scientifique.

 

L’hypothèse que les Slaves de la Tisa Supérieure auraient été des Bulgares a été révisée en partant de cette interprétation des sources et aussi en fonction des toponymes slaves de la Tisa supérieure et de la langue parlée par ces Slaves aujourd’hui encore. Les érudits terminent leurs recherches consacrées à ce problème par des affirmations catégoriques. Ainsi El. Moór arrive à la conclusion que ces Slaves même étaient des Slovaques orientaux [62]. J. Stanislav affirme dans son dernier travail qu’il n’y a aucune preuve convaincante de l’existence d’une population bulgare dans cette région [63]. Ondřej Halaga, s’occupant des établissements slaves de la Tisa supérieure, dit que l’hypothèse du caractère bulgare de cette population n’a pas la plus modeste base philologique. Non seulement la nomenclature topographique de cette contrée et la langue de la population ne présentent pas de caractères bulgares, mais elle ont un caractère nettement slave occidental et plus correct même que celui des dialectes slovaques centraux voisins, qui ont une série d’éléments bulgares» [64]. E. Pauliny montre que dans le changement ě (jati >) ja de Gemer, on ne peut en aucun cas, parler de bulgarisme [65].

 

Les anciens Slaves moraves se sont maintenus dans la région de la Tisa Supérieure. En ce qui concerne ceux de Bodrog, c’est le slaviste hongrois Istvan Kniezsa qui l’affirme en soulignant qu’il y a une continuité entre la population slave d’avant les Hongrois et celle d’aujourd’hui. La même continuité

 

 

60. Al. Grecu, Bulgarii in nordul Dunării în veac. IX—X, p. 223—236.

 

61. F. Olteanu, Numiri slave în Transilvania de Nord («Limbă şi lit.» III 1957, p. 185—215). J. Stanislav, Slovenský juh v stredoveku I, p. 164-176, Dějiny, I, p. 175—180. V. Cháloupecký, Dvě studie к dějinám Podkarpatska, 1925, no. 30, p. 20, Staré slovensko, p. 266 et suiv.

 

62. El Moór, Die sl. Ortsnamen der Teissebene, (Zeitschrift für Ortsnamenforschung, VI, (1930), p. 105—140 avec une carte).

 

63. J. Stanislav, Dějiny 175—180 et Slovenský juh I. II., 1948, Martin, p. 169—171, et Bolo južné Slovensko bulharské, dans «Náš národ» 11, 1944, p. 199—221, où il souligne que toute la région du sud de l’ancienne Slovaquie était exclusivement slovaque, mais que le matériel linguistique n’en conserve aucune trace bulgare.»

 

64. «Túto tézu však dnes nútno revidovat'> prosto preto, že nemá ani najskromnejšieho filologického podkladu. Nielen že tunajšia topografická nomenklatura a najmä řeč tunajšieho obyvatelstva nevykazuje ani prvky, ani charakter reči bulharské, ale dokonca, javi charakter, vzorné čistý, nenaštrbene zapadoslovanský čistější a správnějši, než susedné nárečia stredoslovenské, ktoré vykazujú rad prvkov, shodných s bulharštinou» (O. R. Halaga, ouvr. cité, p. 20—21).

 

65. E. Pauliny, O. domnelom bulharizme, dans le volume d’hommage, à Todorov- Balan-Sophie, 1955, p. 338.

 

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existe aussi dans les noms topographiques [66]. Quant aux autres, Ondřej Halaga dit qu’ils sont un reste des Slaves du groupe tchécoslovaque établis ici avant l’arrivée des Hongrois et que c’est de la même époque que datent aussi les commencements du culte gréco-slave dans cette région» [67]. Certains toponymes slaves du Criş Noir datent de l’époque de la symbiose slavo-roumainee p. ex. Schei  < Sclaui et, par dépalatalisation > Ştei [68]. Craiova < Kraliova, comme dans les éléments latins: folia > foaie; Seghişte etc.

 

Dès le commencement déjà une double influence s’exerçait sur leur culture ; une influence occidentale et une influence byzantino-slave, évidentes dans des noms tels que: Ionaş, Lukaş, Eliaş, ou le—ş final provient comme dans Krleş des dialectes italiens du nord. C’est toujours de là que viennent des noms comme Krizano < Križ ital. crǫge = croix. Les Slaves moraves ont eu des relations depuis déjà le VIIIᵉ siècle et le début du IXᵉ avec le centre de cette région, le monastère de Cividale [69].

 

D’autre part, les mêmes noms apparaissent au nord de la Transylvanie aussi sous la forme byzantino-slave : Ion, Luka, Dimiter, Krŭst, vĭsedrzitelĭ - gr. Παντοκράτωρ qui coexiste avec vísemogijj, décalqué sur lat. omnipotens, etc. [70].

 

Cette culture a continué d’exister en partie aussi bien en Transylvanie qu’en Moravie, même après l’arrivée des Hongrois. Au nord de Mureş, Achtum avait fait bâtir le monastère de Morisena, placé sous le vocable de Saint Jean-Baptiste, et lui-même s’était fait baptiser à Vidin. Les moines de ce monastère étaient tous Grecs, c’est-à-dire de rite oriental. C’est le plus ancien monastère de Transylvanie et il en est question dans la Vita sancti Gerardi, cap. X.: . . . « constituons in eodem abbatem cura monachis grecis juxta ordinem et ritum ipsōrum [71].

 

Un autre centre de culture slave doit avoir existé à Oradea ou près de cette localité, dans la grande cité rectangulaire de Biharia, où il semble qu’il exista un évêché peut-être orthodoxe, remplacé par un évêché latin (catholique) au XIᵉ siècle par ordre de Ladislas le Saint. On lit dans le Registre d’Oradia sous l’an 1186 qu’un «vilanus» parle de l' «episcopus de Biarch» cujus sedes dicitur Orosiensis». D’aucuns ont pensé que le nom de la résidence

 

 

66. Cf. Ungarus Volkerschaften im XI. Jhs. dans «Archive Centro-orientalis», 1938, p. 295 et suiv.

 

En ce qui concerne l’origine bulgare de ces Slaves. I. Kniezsa est assez flottant dans ses conclusions comme aussi d’autres chercheurs qui ont soutenu l’origine bulgare de ces Slaves. Kniezsa en reconnaît que: ...Was die Bulgaren betrifft, so sind sie nur auf Grund eincr geschichtlichen Wahrscheinlichkeit in Rechnung zu nehmen, da in Ortsnamen keine bestimmten Spuren von ihnen nach zu weîssen sind» ouvr. cité, p. 295.

 

67. R. Halaga se rapporte particulièrement à la population de l’est de la tchécoslovaquie d’aujourd'hui. (Cf. ouvr. cité, p. 37).

 

68. ... le nom de village Schei près de Beiuş est en relation avec l’ancienne époque slavonne (N. Iоrga, Histoire des Roumains de Transylvanie, Bucarest, 1913, p. 380). Ştefan Lupşa, Istoria parohiei Stei. Beiuş, 1942.

 

69. J. Stanislav, Zo studia slovanských osobných mien v Evanjeliu cividalskom, «Slavia», 1947, p. 87-100.

 

70. M. Weingart, Československý typ cirkevnej slovančiny, p. 35 et suiv. J. Stanislav, Dějiny, I, p. 207—230, A. Isačenko, Jazyk..., p. 49.

 

71. Ed. Endlicher p. 214—215 Chronica Pictum chap. 41. Florianu s M. Fontes domestici, II, p. 143.

 

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de cet évêque «Orosiensis» signifiait «russe» donc «orthodoxe » [72]. Certains y voient une forme du nom latin «Oradia», «Varadiensis» [73], d’autres, enfin, comme Ondřej Malaga considèrent ce nom comme venant du thrace [74]. Cet évêché est mentionné aussi en 1069, lorsque Saint Ladislas aurait sauvé la fille de l’évêqué d’Oradea qu’un Couman emportait sur son cheval [75]. À Oradea et à Arad il y avait aussi des centres où l’on jugeait les procès. La procédure et les peines étaient celles qu’on pratiquait surtout dans l’occident [76].

 

Les vieux monastères de Transylvanie et de Hongrie deviennent des foyers de culture slave, [77] comme le monastère de Péri, une fondation des Roumains où l’on rédigeait aussi des documents slaves et que le patriarcat de Constantinople avait soumise à sa jurisdiction. Un centre de moindre importance se trouvait à Seghişte — c’est-à-dire sedište < paléosl. sediti = s'asseoir — résidence [78].

 

La culture slave du nord de la Transylvanie et du Maramureş des premiers siècles de ce millénaire se renforçait aussi à partir des centres restés en Grande Moravie. La Slovaquie Orientale conserve l’office divin dans l’ancienne langue slave, considérée comme «langue du peuple». C'est pour cela qu’à un synode de 1104—1105 on interdit les chants religieux du peuple dans cette langue. Si le texte de ces chants avait été en latin, le synode ne les aurait pas interdits.

 

À la fin du XIIᵉ siècle et au début du XIIIᵉ, on disait la messe dans la langue de Cyrille et de Méthode à Spiš — région de la Slovaquie orientale. On y a trouvé des fragments de manuscrits en cyrillique [79]. C’est toujours à Spiš que fut créé un évêché au XIIIᵉ siècle. La Slovaquie orientale était étroitement unie à la région de la Tisa supérieure. C’est en Slovaquie qu’aurait été écrite la partie cyrillique de l’évangéliaire de Reims. V. Jireček a montré que l’évangéliaire de Vienne a été écrit «dans une région frontière de la Slovaquie hongroise».

 

 

72. V. Cháloupecký considère que cet évêque était» ruské biskupství» et que sa jurisdiction s'étendait jusqu’à Centigrad et si la rivière de Križi (Criş). Mais la source de cette information daterait de 1184 cf. Staré Slovensko, p. 123 et note p. 59 où il cite Anonymus chap. 22.

 

73. Ştefan Lupşa, Catolicismul şi romînii din Transilvania şi Ungaria pînă la 1556, Cernăuţi, 1929, p. 6.

 

74. О. Halaga montre que durant ce siècle-là l'établissement des Russes y commence à peine et que c’est trop tôt pour que la tradition latine ait pu se renforcer (cf. ouvr. cité, p. 31).

 

75. D’aucuns ont cru qu’il s’agissait d’un évêque latin puisqu’il est dit que cet évêque avait une fille. Mais un évêque orthodoxe aussi peut avoir des entants s'il a été marié. Et peut-être à cette époque ne faisait-on pas de telles distinctions.

 

76. Documente privind istoria Romîniei. C. I. Transilvania 1951 où sont publiés 359 procès qui constituent en réalité la Registre d’Oradea. Voir aussi Ion Sabău, «Judecata probei fierului roşu în Transilvania feudală», dans Studii şi referate», Bucureşti, I, 1954, p. 625—641. Şt. Meteş, Din istoria dreptului romîn tn Transilvania.

 

77. Ştefan Lupşa, Vechiul episcopat din Sătmar, Bucarest 1938, Şt. Meteş, Mănăstirile romîneşti din Transilvania şi Ungaria. Sibiu 1936. p. XII—XVIII; XCIX—CXVII.

 

78. Em. Petrovici propose s. cr. Sedişte = Residenz. Mais cela peut-être aussi le slovaque sedišče > sedişte comme dans le slovaque central. Cette localité a été aussi la résidence d’un archiprêtre passé à Beiuş. DR.X. 2, 1940, p. 245 et 539.

 

N. Iorga, Istoria bisericii romîne, I, Bucarest, 1904, p. 171.

 

N. Firu, Urme vechi de cultură în Bihor, Oradea, 1922, p. 63.

 

M. Pоpovici, Monografia comunii Seghişte, dans «Transylvanie», Sibiu, 1911, p. 205-231.

 

79. I. Miškovič — V. Pоgorielov, Spišské cyrilské ulomky, Bratislava, 1929.

 

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Il y trouve une série de slovaquismes [80]. J. Jireček a montré que le Psautier de Klement a été écrit en Moravie pendant la première moitié du XIVᵉ siècle [81].

 

On trouve beaucoup d’éléments de l’ancienne langue de culture des Slaves moraves dans les vieux textes tchèques écrits en Slovaquie [82]. Ce sont surtout des éléments venus du slovaque central, qu’on utilisait comme langue de culture dès l’époque de la Grande Moravie [83].

 

Des centres de culture slave se sont conservés probablement aussi à Nitra, à Vyşegrad près d’Ostrihom, où auraient été écrits les Feuillets de Prague au XIᵉ siècle, comme le croient certains slavistes [84].

 

Le monastère de Dimiş du voisinage d’Ostrihom avait «depuis l’antiquité» des moines grecs, c’est-à-dire de rite byzantino-slave. Il y en avait aussi au commencement du XIIIᵉ siècle, car un document de 1221 spécifie que «Abbatia de Vysegrade graecos habet monachos et habuit ab antiquo» [85].

 

Ce monastère entretenait des relations avec le nord de la Transylvanie, car le Registre d’Oradea mentionne à l’année 1138 un fonctionnaire de la cure de Dimiş du nom de Wasil, forme byzantino-slave. C’est aussi «Vasil» que s’appelait un parent de Saint Etienne. Il y avait encore des moines slaves dans les monastères de Ceanad et de Vesprim.

 

Le culte byzantino-slave s’est conservé en Tchécoslovaquie orientale, parmi la population gréco-catholique de la Transylvanie du nord, du Maramureş et du Banat. Il a été soutenu et renforcé sur la Tisa supérieure par les Slaves orientaux. Mais il a ici des traditions très anciennes. C’est pour cela que ses fidèles sont nommés «Staroverţi» [86].

 

Le culte byzantino-slave est resté comme une religion des pauvres et des simples, tout comme autrefois en Grande Moravie [87]. La situation d’autrefois se conserve actuellement, parce que les Slaves établis sur la Tisa supérieure, dans le Bihor, et le Pereg en des temps plus rapprochés de nous, sont des Slovaques orientaux. Ils vivent mêlés aux Ruthènes, aux Roumains et aux Hongrois. Plus au sud il y a des Slovaques centraux [88].

 

*

 

 

80. J. Jireček, O českem prvotním překladu sv. evengelii a o obměnách jeho až do XV. století. Prague 1859, p. 11.

 

81. J. Jireček, O zvláštnostech češtiny ve starých rukopisech moravských, Prague, 1887, p. 10—18 et 77. AU. Pateru, Žaltar Klementinský, Prague, 1890, p. VI.

 

82. V. Сháloupecký, Stredovké listy ze Slovenska, Bratislava-Praha 1937, p. XI et suiv. I. Kniezsa Středověké česke listiny, Budapest, 1952, p. 137—145. J. Stanislav, Dějiny, I, 1956, p. 41 et suiv.

 

83. J. Stanislav, Historické kořene stredoslovenčiny, dans «Slovenská reč», XXI 1956, 3—4, p. 168-174.

 

84. Dans les fragments glagolitiques de Prague on retrouve les particularités du dialecte slovaque central qu’on parlait entre les Petites Karpates et Nitra, p. ex. paléoslave ort > rat et rȣot: Rastic-Hostic (Cf. J. Stanislav, Dějiny, I, p. 36).

 

85. Ján Stanislav, Slovenský juh v středověku, I, 1948, p. 83.

 

86. Ondrej Halaga souligne que «les Slovaques sont ici depuis des temps immémoriaux» (cf. ouvr. cité, p. 12).

 

87. Miloş Weingart, montre que les masses larges de la population morave ont embrassé le rite byzantino-slave qui était plus démocratique, tandis que les féodaux, la classe dirigeante, préféraient la culture latine (ouvr. cité, p. 117).

 

88. P. Olteanu, Numiri slave in Transilvania de Nord «Limbă şi lit.», III, 1957. p. 185 et suiv.

 

184

 

 

Les anciens Slaves ont été assimilés par la masse de la population roumaine majoritaire au point de vue du nombre. Ils ont laissé des traces dans la toponymie, dans l’onomastique et surtout dans le lexique des parlers roumains de ces contrées. Ces vieux éléments slaves se sont mélangées aux éléments apportés par les colonisations plus récentes et aux éléments slaves de la langue hongroise. Leur triage est assez difficile, mais leur nombre dépasse toute prévision. Ils se rapportent à tous les domaines de la vie. Leur étude approfondie apportera des clartés non seulement en ce qui concerne les établissements slaves de cette contrée, mais même au sujet de la formation de la langue roumaine.

 

Dans les parlers roumains du cours supérieur du Criş Noir on trouve beaucoup d’éléments slaves qui s’expliquent le mieux du monde par le slovaque, quoique les Slovaques ne vivent plus dans cette région. Les éléments serbes sont moins nombreux et de date plus récente, podrum = cave, pup = bourgeon. La couche la plus ancienne est la couche slovaque, puis vient la couche ruthène. Voici quelques-uns de ces éléments slaves de caractère plutôt local, recueillis dans les textes dialectaux et des travaux y relatifs [89]. Quelques-uns d’entre eux viennent à l’appui de l’hypothèse que, dans cette région, la culture slave s’est répandue de Grande Moravie. Beaucoup d’éléments slaves de cette région sont enregistrés aussi par l’Atlas linguistique de la langue roumaine: chilav = blessé, infirme, <slave kila = testiculus: slovaque kilavý syonime de «mohý» = fort [90], zapor = confluent. En slovaque «zapor» négation, constipation, digue, écluse. Kefa — brosse. En slovaque le mot est couramment employé avec le sens de brosse, comme dans le parler du Criş Noir [91].

 

Sur le cours supérieur du Criş Noir circule, à côté de boscoane = «charme» comme aussi en Moldavie [92], borsocoaie = revenant, fée méchante qui prend le lait des vaches et fée; slovaque «bosorka même signification, sorcière, diseuse de bonne aventure [93]. La forme roumaine présente la métathèse de le’ «r» devant «s».

 

«Cocic» et cociş = voiture. Dans la Slovaquie orientale il y a «koč» = voiture, kociş = cocher [94]; «obroc» = fourrage, avoine pour les chevaux, comme le slovaque «obrok» [95]. La forme hongroise est «abrak». «Oblokar» = menuisier qui fait les chassis des fenêtres < «oblok» = fenêtre, connu

 

 

89. D. Şandru, Enquêtes linguistique, «Bulletin linguistique», I—VI. Em. Petrovici, Le parler de Criş el du Someş en Transylvanie, 72, 1941, p. 551—558. T. Teaha, Graiul de pe cursul superior al Văii Crişului Negru, 1957. Inst, linge. Acad. R.P.R., mss.

 

90. Peut-être < i.-e. kualu, gr. kale = rupture d'une veine du corps, lat. culus, lit. slave kila. En slovaque on dit: kto má kily — qui a du pouvoir, de l’influence. J. Holub - Fr. Kopečný, Elymologický slovník jazyka českého, Prague, 1952, p. 196. M. Kálal, Slovensky slovník z literatury aj nářečí. Bánská Bystrica, 1924, p. 237.

 

91. M. Kálal, ouvr. cité, p. 840—841. Л. V. Isačenko, Slovensko-ruský překladový slovník, Bratislava, 1950, p. 271; kefa na vlasy = brosse à cheveux; kefa na saty = brosse à habits.

 

92. Tiktin. enregistre seulement «boscoane» en Moldavie «Zaubermittel» et renvoie au gr. vaskanie. Il y a aussi le verbe «a bosconi» (Rum-deutsches Wörterbuch, p. 214).

 

93. M. Kálal, ouvr. cité, p. 35. A. V. Isačenko, ouvr. cité, p. 40.

 

94. M. Kálal, ouvr. cité, p. 248. A. V. Isačenko, ouvr. cité, p. 280.

 

95. M. Kálal, ouvr. cité, p. 396. P. Tvrdy, Frazeologický slovník, Prague-Presov 1933, p. 351.

 

185

 

 

dans le slovaque central, dans le slovaque oriental et dans la Croatie occidentale [96].

 

En slovaque il y a aussi «oblokar» — vitrier. À la base il y a «oblý» = rond, oblique, mot en rapport avec l’architecture romane. Les Roumains ont emprunté le mot «oblok» directement des Slaves, et non pas de la langue hongroise qui possède «ablak».

 

Slovaque «čipka», roum. cipka = dentelle — d’où le verbe cipciresc = je fais une dentelle. Roum. «colna» = hangar, slovaque kôlna = remise, hangar [97].

 

Le mot «doloji» = courroies qui relient le battoir au manche du fléau de («do» = à, dans; et «ložiti» mettre, ajouter [98]. Et dosca = planche, attesté plus rarement aussi au pluriel «doşte» = planches; slovaque «doška, doštený — employé aussi par des écrivains comme Timrava, russe doska, paléoslave < dŭska. Ici l'ier était en position faible, mais il s’est vocalisé sous l’effet de l’accent [99].

 

«Dubar» tanneur, du slave «dǫbъ = «chêne, parce qu’au tannage des peaux on utilisait l’écorce de chêne.

 

Le mot «duhod» est largement répandu dans le sens de «goudron, oing pour les essieux des chariots». En Moldavie «dohot» signifie aussi goudron à enduire les chaussures [100]. Au commencement ce «goudron» était extrait de la résine de bouleau «Birkenteer». Il a signifié ensuite «poix». Il est connu aussi dans la langue magyare dohot, tchèque dehet. Le paléoslave degъtь semble un emprunt aux langues baltiques, où il y a lit. degti = brûler; degotidegutas [101].

 

« Dună», en slovaque «duchn̆a» et «duȣchna» où il a le même sens «édredon, coussin rempli de duvet» que dans nos parlers du Criş. Ce n’est pas une forme «dunyha» [102]. «Dunavă de cap» - étourdie, duneť = bourdonner.

 

Quelques emprunts avec «g» ont pu venir de la vieille langue slovaque avant le passage g > h, c’est-à-dire avant le XIIIᵉ siècle, ou bien de la langue ukrainienne avant le XIVᵉ siècle. Iis peuvent être aussi des emprunts récents du serbe: gad = puces, poux et plus rarement «loups». Serbo-croate gad = dégoût, aversion, mais le slovaque had (ancien gad) = serpent. Sur le Criş Noir on dit: «grude di sare» c’est-à-dire «bloc» ou bien «grudniţa» = motte «zgrudniţă», zgrunde,) paléoslave grǫ, slovaque «grud» et «gruda» > hruda = gleba, Scholle, motte de terre; hongrois gorond [103]. «zgodeşte» s’assortit,

 

 

96. I. Stanislav, Dějiny, I, p. 122 ; 129.

 

97. A. V. Isačenko, ouvr. cité, p. 284 kôlna — hangar ; kôlna na dřevo.

 

98. M. Kálal, ouvr. cité, p. 103. Enregistré par L. Teaha.

 

99. De même dans líska tëšča = belle-mère et même dans des mots monosyllabiques: tŭ > to et autres (L. A. Bulahovski, Исторический коментарий к русскому литературному языку, М. 1950, р. 57).

 

100. I. Creangă l’emploie: Răbuind ciubotele cu dohot de cel bun. Tiktin Rum-deutsches Wörterbuch, p. 558.

 

101. Il est toutefois curieux qu’on ne le rencontre pas dans les anciens monuments de la langue russe. P. A. Cernych soutient cependant que «dohot» vient du lituanien et du letton. Очерк русской исторической лексикологии. Древний период, Moscou 1950, р. 157). Du même avis sont J. Holub - Fr. Kopečný, Etymolog. slovník jazyka českého, 1952, p. 98.

 

102. I. Кniezsa, ouvr. cité, p. 646—648.

 

103. I. Кniezsa, ouvr. cité, p. 646—648. M. Kálal, ouvr. cité, p. 187.

 

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s’accorde. Aujourd’hui en slovaque «zhodîť» = s’accorder, s’assorlir, zhoda = accord.

 

«Iorgovan» — chauve-souris semble un emprunt du serbe-croate, parce qu’en slovaque, et en hongrois il y a une forme non yodisée: «orgovan» [104].

 

Un vieil élément doit être jebrălitor == aboyant, et «a jebrali» = bavarder, aboyer, comme le chien; paléoslave zŭber = dent, croc, slovaque žebrať = aboyer, comme «brechať», tchèque «žabra», ukrainien žabry, russe žebry, hongrois «zsebre» [105].

 

«Palinca», hongrois «palinka», < paliti, est employé couramment dans la Transylvanie du nord pour de désigner signer l’eau-dé-vie de prunes doublement raffinée dans la fabrication de laquelle les Slovaques sont les plus réputés [106].

 

«Pazne», = filasse, dérive probablement de «pojasŭ», mais avec la contraction «oja > a» comme dans le slave occidental; slovaque «pasmo» lié à la notion de fileuse «pradenko» [107]. Toujours slovaque doit être «petiţa», = tas de gerbes, peti = cinq, slovaque «pätica» (lisez petitza), serbo-croate petiaţ - monnaie de cinq centimes [108]. «Pec» = «boulangerie» boulanger, slovaque «pekar», < pekti = cuire. Serbo-croate ou slovaque est «pitonci» bolets commestible pitom-а, o, c’est le participe passé passif < pitati = nourrir; d’où en serbo-croate «pitomac» - élève [109].

 

Ribiţa, ribic, slovac, ribizle — groseilles. «Rudă» = perche, est fréquent dans la langue des Hutzules, en slovaque, hongrois, allemand, ruthène.

 

Sur le Criş Noir «smîrdâ» = laide ; du paléoslave, < smrudu, slovaque «smrditi» = sentir mauvais, puer. Ce substantif est connu en Moldavie et dans la vieille langue roumaine ; ce mot représentait comme chez les Slaves une catégorie spéciale de paysans qui travaillaient sur les domaines féodaux [110]. Chez nous le mot est emprunté aux Slaves méridionaux ou bien aux Slovaques chez qui r syllabique > ir non er comme dans le slave oriental et le polonais; «smerd» est connu dans la Russkaia Pravda [111].

 

Zvornik = parloir, peut-être de < dvor — cour où l’on cause. «Urejnik» signifié, filasse, fils qu’on ne peut plus lisser.

 

Parmi les verbes et les adjectifs signalons : le calque, roumain abzic, = je renie, je renonce, d’après otriekať sa, zrieknut», attesté en slave morave du XIᵉ

 

 

104. A. Gavazzi, Rječnik hrvatsko-francuzký, Zagreb, p. 145.

 

105. I. Kniezsa propose zǫ = dent, mais ne mentionne pas l’existence du mot en slovaque et en roumain, (ouvr. cité, p. 787).

 

106. De paliti = brûlier, faire de l’eau-de-vie à l’alambic, brennen-brûler, crematum (M. Kálal, ouvr. cité, p. 708, I. Kniezsa, ouvr. cité, p. 377. Tiktin, ouvr. cité, p. 1111).

 

107. M. Kálal, ouvr. cité, p. 455 pozma = branche, peut avoir même origine que le slovaque pasmo, mais par l’intermédiaire du hongrois pazsmo (I. Kniezsa... p. 307).

 

108. A. Gavazzi, Rječnik. . . pitom = apprivoisé, privé p. 253.

 

109. En hongrois il a le même sens: pertica, Stânge, Schlittenstange (I. Kniezsa, ouvr. cité, p. 935—936. F. Miklosich, Lexicon Paleoslovenico-graeco-latinum, Vindobona, 1862-1865, p. 566.

 

110. B. P. Hasdeu, Cuvente den bătrâni, ouvr. cité, I, 1878, p. 387 et dans Cronica lui Moxa. «Deac crescu Mihail şi veni în vîrstă, el lipi pe lîngă el nişte hlapi şi smîrzi. C'est-à-dire hommes de peine, roturiers, I. Creangă disait: «Smîrdoare uricioasă ce eşti». (Apud Tiktin, ouvr. cité, p. 1447).

 

111. Les «smerd» de la Ruskaja Pravda c’étai-en- des paysans libres, dépendant du prince régnant et jouissant de sa part d’une protection spéciale. (B. D. Grekov, Правда Русская 1947, Moscou art. 28, p. 187).

 

187

 

 

siècle, dans la deuxième partie des Feuillets Frisiens «Adhortatio» écrits en Grande Moravie [112]. On le trouve dans les formules de confession qui en réalité étaient plus vieilles encore(x): «otriekaš sa diabla?» «Otriekam sa!» Renonces-tu à Satan? roum. abzici? J’y renonce [113]; «or brehetit» ont bavardé [114], slovaque brechať = aboyer, comme hafať, stekať — aboyer [115]. Ce mot n’existe pas en hongrois. «Concita» = poule hupée slovaque koncatý = pointu, < konĭcĭ = fin.

 

«Tărhălescu» je me fatigue, slovaque ťarha = charge. Qui porte une charge, se fatigue. Sur le Cris Noir on dit encore dans le sens du Slovaque S-o întărhăet vaca, c'est-à-dire la vache est pleine, elle porte son veau [116]. Le mot est connu aussi en hongrois. «Se nădăieşte» il attend; «pe ne nadaite» par surprise ; «om nădăit» homme de toute confiance; slovaque nadej — espoir et nadejať sa = espérer.

 

Le grand nombre d’éléments slaves des parlers du Criş Noir, montre que les Slavesyétaient assez nombreux. La symbiose et le bilinguisme doivent avoir beaucoup duré, ce que l’on constate aussi d’après la forme roumaine de tant d’éléments slaves. Beaucoup de ces slavismes s’expliquent par le slovaque oriental où «ohabič» = quitter, laisser. Ce sens este probablement à la base du mot roum. «ohabă», sorte de propriété, exempté d’impôts. «Ohabă» est connu cependant aussi dans d’autres langues slaves.

 

Les Slaves de ces régions se sont facilement approprié la nouvelle culture chrétienne de langue slave. Les offices religieux en langue slave s’y défendent vigoureusement, étant soutenus aussi par le contact avec la Slovaquie orientale et rUkraine occidentale [117].

 

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De ce qui a été exposé jusqu’ici il ressort que l’hypothèse d’une activité des disciples de Cyrille et de Méthode dans la Grande Moravie, le nord de la Transylvanie et la Maramureş, ne saurait pas être exclue.

 

Elle est confirmée aussi par les particularités du slave ecclésiastique des Karpates qu’emploient jusqu’à nos jour les Slovaques, les Russes et les Ukrainiens orthodoxes et gréco-catholiques. Ce slave a servi autrefois aussi de langue littéraire et culturelle [118].

 

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112. A. V. Isačenko. Jazyk i popod Frizinskych pamiatok, Bratislava, 1943, p. 18—60; Začiatky vzdelanosli vo Velkomoravakej risi. («Jezykovedný sborník», I—II, 1946—1947, p. 172-173).

 

113. E. Paulin y, ouvr. cité, p. 343, A. V. Isačenko montre que ces formules circulaient dans la Grande Moravie, depuis la seconde moitié du VIIIᵉ siècle et la première moitié du IXᵉ sous l’influence de la civilisation occidentale. (Začiatky vzdelanosti vo Velky Moravskéj rişe, Jazykovědný Sborník, 1947, p. 137—118).

 

114. T. Teaha, ouvr. cité, p. 259.

 

115. M. Kálal, ouvr. cité. p. 39. Le verbe «brechať» existe aussi dans le parler slovaque de Nadlae.

 

116. T. Teaha, ouvr. cité, p. 47.

 

117. A. Halaga emploie couramment «ochabitˇ» au lieu de nechatˇ, ouvr. cité, p. 30. M. Kálal, considère «ochabič» comme slovaque oriental à la place de nechatˇ = laisser (ouvr. cité, p. 416). En montrant que la liturgie slave a été répandue sur la Tisa supérieure par Cyrille et Méthode eux-mêmes, Ondřej Halaga dit en conclusion que Cyrille et Méthode ne se sont pas désintéressé d’une région voisine de leur patrie, facilement accesible par le Danube et la Tisa, et qui par ailleurs, avait des liaisons fréquentes avec Byzance (Ibidem).

 

118. Cf. P. Olteanu, Lexicul Povestirilor slave despre Vlad Ţepeş, dans «Revista Univ. С. I. Parhon», Buc. 1955, p. 227—251.

 

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En tant que slave ecclésiastique, il constitue une version ou un type à part, par ses moravismes, ses archaïsmes et les éléments locaux. Ces particularités forment une preuve inébranlable à l’appui de notre thèse. Nous ne nous arrêterons ici que sur quelque-unes de ces particularités, notamment sur les moravismes ; la structure complète et l’histoire de cette langue devant constituer l’objet d’une étude à part.

 

Le slave ecclésiastique des Karpates contient de nombreux moravismes ou pannonismes, reconnus comme tels par des slavistes [119].

 

Les recherches plus récentes dans ce domaine sont fondées sur les nouvelles méthodes de la géographie linguistique et de la linguistique sociale, comme par exemple les travaux des linguistes tchèques et de l’actif savant slovaque J. Stanislav. Néanmoins certains moravismes du slave karpatique n’ont pas encore été signalés. Les moravismes d’ordre phonétique révèlent l’époque depuis laquelle on emploie cette langue.

 

Ainsi par exemple la contraction «oje > e» qui a eu lieu en slovaque pendant ta seconde moitié du Xᵉ siècle, dobrojemu > dobrému; dobrajego > dobrego, et au XIIᵉ siècle environ > dobrého; grędyi > hrady. Les formes contractées sont courantes dans la langue religieuse des Slovaques gréco-catholiques.

 

Dans cette langue le passage de g a h est général aussi. Il a eu lieu en slovaque pendant le premier tiers du XIIᵉ siècle, bogŭ > boh, grobŭ > hrob = tombe ; nagŭ > nahý = vide, jgo > iho = joug; lukavajego > lukauago > tukaváho = fourbe [120].

 

Un moravisme manifeste est le passage de g à h dans les mots qui offrent aussi la métathèse des liquides: golva > glava > hlava, golgol  > glagol > hlahol; gordŭ > hrad. De telles formes ne peuvent s’expliquer dans le slave karpatique que par le slovaque. Dans la langue ukrainienne nous avons g > h, mais les liquides sont soumises à la pléophonie: holova, horod.

 

G > h se retrouvent régulièrement aussi dans les mots qui contiennent r̥, ̥l syllabiques sans voyelle d’appui comme dans le slovaque central: dlhý = long, hrdý = fier, hlboko [121]. Les Slovaques orientaux n’emploient ces formes que dans la langue de l’église. Dans la langue parlée ils ont, comme les Busses, les Ukrainiens et les Polonais, une voyelle d’appui auprès de r l : «dolhy, hordy,

 

 

119. P. J. Šafařík, Über den Ursprimg und die HeimaI des Glagolilismus, Prague 1958, Л. J. Soboleskij, Церковно-славянские тексты моравского происхождения — dans Русск. Фил. Вестник 3. Сборник отдел. русск. яз. и словесн., Saint-Pétersbourg, 1910. М. Weingart, Ceskoslov. typ. cirk. slovančiny, Bratislava 1948, J. Stanislav. Dějiny, pp. 34—49; 51 et suiv. 107 et suiv. 112 et suiv. 207 — 232. Pour la bibliographie v. A. V. Isačenko, Jazyk a pôvod frizinskych pamiatok, surtout pp. 48—55, J. Vais, K charakteristike nejstaršich evang. rukopis staroslověnských, Byzantinoslavica, V. 1933—1934, p. 113-118.

 

120. Le passage de g à h a eu lieu dans les langues slovaque, tchèque ukrainienne et serbe lusaciemie supérieure, ainsi que dans le Slovène du nord-ouest. (J. Stanislav, (ouvr. cité, p. 38) Pour g > h dans le slave karpatique cf. Chval'me boha, composé par Pavol Spišak <Ružomberok, 1942> et Molitvenik ili nabožnyja molitvy i pisni dlja russkich lic, par Alex. Duchnovič, <Užhorod, 1926>. Ces livres sont encore en usage dans les églises des Slovaques, des Russes et des Ukrainiens de la RPR, par exemple à Pereg dans le district de Pecica, région de Timişoara.

 

121. Cf. Молитвеник для грекокат. русск. народа, Preşov, 1944, рр. 62—63 Chval'me, рр. 224, 247.

 

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smerti, serdce, korm». Les formes de la langue religieuse proviennent du slovaque central, d’où les moravismes ont pénétré dans le paléoslave.

 

C’est du russe karpatique et de l’ukrainien qu’ont pénétré les formes de la langue parlée renfermant «r, l > or, ol, er, el» et la pléophonie dans le groupe des liquides coexistant à côté des formes à métathèse: progolosil et preglasil, presolodkoe et presladkoe choronitisĭ et chranitisĭ: dolgy et dlhý = devoirs, golovina, etc. [122].

 

Un autre moravisme très ancien dans le slovaque central, c’est le double traitement des groupes ort, olt > rat, lat, et rot, lot : razum et rozum = raison, lani et loni, l’année passée, loket et laket. Le nom du souverain de la Grande Moravie était Rostislav, mais aussi Rastic, qui ne peut s’expliquer que par le slovaque central. Le point de départ de la plupart des moravismes entrés en paléoslave se trouve entre les Petites Karpates et Nitra, une région intermédiaire entre celles qu’ont occupées plus tard le slovaque central et le slovaque occidental. La métathèse des groupes ort, olt s’est effectuée aux VIᵉ ou IXᵉ siècles environ [123].

 

C’est toujours de celte région que proviennent aussi dl, tl > l: molim, kadilo, světilo, melo, etc. comme dans le slave du sud et de l’est. Mais parfois ces groupes se sont conserves comme dans le slave occidental: modlim, kadidlo, metlo [124].

 

Les anciens groupes kt, gt, et dj présentent un triple traitement dans le slave ecclésiastique des Karpates. C’est en vertu de la tradition que s’y conservent les formes caractéristiques des parlers bulgares des environs de Salonique, št, žd ; nošti, nemošti, alčjuštĭch pitatelnica = qui nourrissent les affamés; utvrždenie sily jeho — le renforcement de son pouvoir [125]. Nous rencontrons le mot odežda = vêtement, vêtements sacerdotaux, qui, comme «sračica», a remplacé le mot grec «ependit» de la langue de Cyrille et de Méthode. Le slave karpatique conserve cependant : riza [126].

 

Les mêmes groupes présentent aussi le traitement slave oceidentalo-morave; nemoc = maladie < nemogtj, všemohucy = Tout-puissant». De telles formes sont attestées aussi dans les livres de culte des Slaves gréco-catholiques des Karpates : Otca vsemohucého [127] обѣцанной.

 

Mais dans la langue de ces Slaves les formes spécifiques du slave oriental dj > ž, gt > šč, = utverženie, bezmežnoe, vsemohuščyj, sont fréquentes [128].

 

L’l épenthétique, qui a disparu du bulgare vers le milieu du Xᵉ siècle est fréquent lui aussi. Il s'est cependant conservé dans le slave ecclésiastique même chez les Slaves occidentaux, dans la langue desquels il n’existe pas : откупление, земля, обновление; ъ, ь > a, e, o, comme dans le slovaque; ton, ten < tъnъ; son, sen < sъnъ, tot < tъtъ, courant dans la région du sud-est du Gemer et en russe.

 

 

122. Молитвеникъ... ibid. Chval'me... 204; 228.

 

123. J. Stanislav, ouvr. cité, p. 36.

 

124. J. Stanislav souligne que dl, tl > l ont pénétré du slovaque central aussi dans les vieux documents tchèques. C’est une preuve que le slovaque central était la langue de culture, même quand en Slovaquie on utilisait le tchèque à cet effet. C’est d’après ces critères qu’on détermine les slovacismes dans les vieux textes, (ouvr. cité, p. 41, 52, 119, 216).

 

J. Gebauer, Historická mluvnice jazyka českého, I. 19, p. 410.)

 

125. Chval'me boha... p. 216, 220, 221.

 

126. Молитвеникъ для p. 515: одеянна во ризы.

 

127. Chval'me boha... p. 41.

 

128. Молитвеникъ... p. 46.

 

190

 

 

De là il a passé dans le slave ecclésiastique des Karpates. Les vieux tchèque «tet», et non pas «tot». On ne le trouve pas chez les autres Slaves [129].

 

Les pronoms každý = chacun, žiaden = aucun n’existent que dans les langues slaves occidentales et orientales. Le pronom tŭnŭ ne figure que dans les langues slaves occidentales ten, mais en vieux slovaque il y avait ton avec ъ > о, fréquent aussi dans des préfixes verbaux, tels que so- < sъ-, considérés comme des moravismes; sobran, sotvoril, sohresi; (Math. XXII, 11) sochrani [130]. Vŭ > vo: vonmen — faites atention, vozvesti, vozmite jho moje = prenez mon joug.

 

Le slave ecclésiastique des Karpates connaît aussi la forme verbale vrazumeti, urazumeti — considérée par J. Jireček comme un moravisme provenant de la langue slovaque. On rencontre aussi imä avec i, plus rarement meno, comme dans le slovaque courant. Imä se retrouve dans l’évangile de Vienne et dans le psautier de Klement, provenant, selon le même slaviste, de Moravie.

 

Certains mots du slave commun sont considérés comme des moravismes à cause de leur forme: la simplification du groupe str > sr: sreda, = mercredi, sretnuti = rencontrer, comme dans le slovaque central et le slave écclésiastique des Karpates. La forme «cirkevŭ» avec «i» s’explique toujours par le slovaque. La forme de ce mot en vieux tchèque était «cierkev» et ce n’est qu’à la fin du XIVᵉ siècle qu’il est devenu cirkev. «Cirkev» est attesté dans les Feuillets frisiens, dans la deuxième partie écrite en Grande Moravie, dans les Feuilles de Kiev; cirkvae et dans le psautier du Sinaï; cirkovь (Chval'me pp. 14 et 241).

 

L’aire de dispersion de la forme cirkev s’étend depuis la mer Adriatique à travers le territoire croate, la Slovaquie centrale surtout dans la région audessous des Petites Karpates et de Nitra d’où cette forme a passé en Pologne vers le XIIIᵉ siècle; cyrki, le nominatif était cirьky.

 

La liaison du slovaque avec le groupe des langues slaves du sud, dans notre cas, avec la région serbo-croate, est confirmée aussi par dl, tl, > l, ort, olt, < rat, lat, et par l’instrumental sing. ženou < ženojǫ. Par sa culture matérielle même, la Slovaquie penche du côté des Slaves du sud. C’est l’archéologue Lubor Niederle qui l’a montré à l’aide du mobilier découvert dans les tombes de Novohrad [131]. Ceci se reflète aussi en slovaque où, à côté de la parenté avec le tchèque, on trouve certains éléments slaves orientaux, surtout ukrainiens, et mêmes des polonismes. Ce phénomène caractéristique des langues slaves a imprimé au slovaque un caractère intermédiaire [132], explicable par sa position géografique centrale par rapport aux autres langues slaves, ainsi que par son histoire. Mais dans sa structure le slovaque est une langue slave occidentale, comme le tchèque.

 

Le slave ecclésiastique des Karpates gardes des moravisme, même dans sa structure morphologique. En voici quelques-uns plus caractéristiques :

 

Le substantif mati est couramment employé avec le vieux thème «i» conservé; les cas les plus fréquents en sont le vocatif et le nominatif :

 

 

129. Il se conserve dans le dialecte caicavien, peut-être en Istrie J. Stanislav, Dějiny, p. 57, 122-3, 209, 216, 217.

 

130. J. Stanislav, ibidem.

 

131. Lubor Niederle, Rukovět slovanské archeologie, Prague 1931, p. 207—8.

 

132. Des slavistes comme Zd. Stiber: Stanowisko nowy slovaków Prace Filologické Varsovie, XVII, 1937, p. 46, où Fr. Kopečný: K otázce ktasifikáce slovanských jazyků, l’ont prouvé. «Slavia» XIX, 1949, p. 8 — 9.

 

191

 

 

Hlahola mati jeho sluham = et la mère parla à ses domestiques [133]. I v hriešiech rodi ma mati moja = et ma mère ma conçu dans le péché [134]. Da přijde mati hospoda mojeho ku mne [135], ou bien ; Страдальная мати подъ крестамь стояла.

 

Et: 1 bije mati Isusova tamo...» Soulignons que cette vieille forme «mati» existe jusqu’à nos jours dans les dialectes slovaques et dans la poésie populaire slovaque [136].

 

Le vocatif d’autres substantifs est souvent employé sous la forme du nominatif comme dans le slovaque central [137].

 

Le pronom personel de la Ire personne a aussi le datif et acc. sing. «mne, ma < мънѣ, мъня comme dans le slave occidental: dans les langues slaves orientales et méridionales : mene, meni, меня.

 

Cependant мнѣ existe aussi dans la langue religieuse des Slaves de l’est des Karpates [138].

 

C’est de l’ukrainien parlé qu’a pénétré dans la langue de l’église la particule «naj» qui accompagne l’impératif: i naj na mene ispovietsja: qu’il se confesse à moi; i naj budetĭ = que cela soit [139]. Mais la particule «da», caractéristique du paléoslave de rédaction bulgare, est employée aussi avec le même sens.

 

Le pronom réfléchi sę > sa. Le génitif tohto est attesté rarement à la place de tohoto de < togoto, considéré comme un slovacisme. Au datif il y a aussi bien les formes paléoslaves et slaves orientales: tobě, sobě, que les formes slovaques et slaves méridionales tebě, sebě [140].

 

«Qui» est exprimé par le paléoslave «iže»; slovaque kotorý, et l’ukrainien ketri, le russe subkarpatique kotri.

 

Le slave karpatique conserve l’ancien duel; «i budeta dva vŭ plotĭ jednu = et vous serez tous les deux un corps [141]. Un autre archaïsme est la grande fréquence des participes, prédicatifs: hradý = qui vient, jadý = qui mange, blahoslavivý = qui as béni. «Otroky ot pešti izbavivý = qui as sauvé les jeunes du four. «Ot hroba i mrtvuja vozdvihnuvý = qui aressuscité les morts de leur tombe [142].

 

Plus nombreux sont dans le slave karpatique les archaïsmes lexicaux: Prstĭ = poussière de la terre: «sozdavý člověka otu prsti = qui a créé l’homme de la poussière de la terre [143]. «Chodataj» = intermédiaire», «lanita» = face, etc. sont connus déjà depuis le IXᵉ siècle, puisqu’ils existent dans les

 

 

133. Chval'me... p. 268.

 

134. Ibidem, p. 2.

 

135. Ibidem, p. 229-231.

 

136. J. Stanislav, Dějiny, I, p. 38. En slovaque le diminutif «matka» ainsi que «mater» sont courants. Cf. aussi A. V. Isačenko, Индоевропская славянская терминология в свете марксистиского языкоз. «Slavia», XII (1953), р. 43—80.

 

137. J. Stanislav, ouvr. cité, р. 228.

 

138. «Da přijde mati... ku mne». (Chval'me... p. 230—231).

 

139. Молитвеникъ для, ouvr. cité, p. 45.

 

140. J. Stanislav, ouvr. cité, p. 119, s.

 

141. Chval'me... p. 267.

 

142. Ibidem, p. 437; 365; 368.

 

143. Ou: вся персть, вся пепель... toute la poussière de la terre, toute la cendre... D’autresfois on emploie «zemle» — terre: «земле зинувши приими от тебе». (Molitvenikŭ. . . p. 435 et 44. Chval'me p. 263.).

 

192

 

 

Feuilles de Kiev [144]. «Chorugovŭ < хорѫгъ = vexillum = étendard [145]. «likŭ» = choeur «likovati» = sauter, se réjouir; slovaque «plesať». «Prachnen» est considéré aussi comme un moravisme. Il a remplacé le mot «zŭlŭ» — mauvais [146]. Il y à aussi les pronoms što = quoi, ništo = rien, connus dans le vieux slovaque. Aujourd’hui, cette formme se conserve seulement dans les dialectes slovaques du sud. Des formes slovaques nouvelles sont «со, nič». «Vladika» est employé dans le vieux sens de seigneur, empereur, chef d’une organisation de quelques importance: «Hospodi, Vladyko života mojeho = Seigneur et maître de ma vie [147].

 

Dans la Vie de Cyrille et de Méthode, les messagers de la Grande Moravie disent à l’empereur de Byzance: «Vladyko». Dans le slave karpalique il y a aussi «Vladkya» = maîtresse. On y conserve aussi beaucoup de grécismes de la langue de Cyrille et de Méthode: «liturgja, trapeza, episkopŭ, igumenŭ, ikona, chorŭ, synonyme de likŭ = choeur, dogmaty, jerej synonyme de kneaz.

 

D’autres grécismes sont des calques; blagosloviti, qui gr. ἐυλογεω coexiste à côté de dobrorečiti, calqué sur lat. benedicere = bénir [148]. Vĭsedrzitelĭ est calqué sur le grec Παντοκράτωρ = le Tout-puissant. Mais il y a aussi všemohucy [148 bis], ou bien въсемохущи du < lat. omnipotens — le Tout-puissant [149].

 

Beaucoup de grécismes et de bulgarismes sont remplacés dans le slave karpatique par des moravismes ou par des latinismes, plus rarement par des germanismes: mŭša < missa = messe, «križ < italien du nord crǫge = croix, kostol < castellum = église ; opatŭ = abbé, supérieur, mŭnichŭ = moine, biskupŭ = évêque, žalmŭ = psaume; obetŭ = sacrifice. Sobota dérive du gr. lit. σάββοτον par le latin à la différence du grec populaire ; σάμβατον > Sǫbota, avec une nasale, conservé dans le hongrois szombat [150].

 

D’autres fois, dans le slave karpatique le terme grec coexiste à côté du terme dérivé du latin ou du morave: ikona et obraz [151] architriklinu et starosta svadby [152]; rusalije et pentikostije = Pentecôte, apostolŭ et sŭlŭ, Neprijaznŭ» existe dans tous les textes de la Grande Moravie au lieu de diavol [153]: archistratigŭ et archivojvoda [154].

 

On rencontre encore d’autres moravismes ; nemošti et nemoc = infirmitas [155], nedǫ et neduh, ukrainien nedug = dolor, employé aussi à la place de boleznĭ [156].

 

 

144. A. M. Selišcev le considère d'origine bulgare et croit qu’il existerait seulement dans les parlers bulgares de la Macedoine, ouvr. cité. p. 18.

 

145. Molitv, p. 518.

 

146. Évangile selon Mathieu XII, 23, J. Stanislav, ouvr. cité, p. 221.

 

147. Chval'me... p. 318.

 

148. J. Stanislav, ouvr. cité, p. 58.

 

148. bis. J. Stanislav, ouvr. cité, p. 58. Chval'me boha. . . pp. 18 et 59.

 

149. Молитвеникъ для... p. 70.

 

150. A. M. Selišcev, Старославянский язык. I, 1951, Moscou, p. 15.

 

151. Лобъзати икону (Chval'me, p. 401).

 

152. Ibidem, p. 269.

 

153. A. V. Isačenko, Jazyk i pôvod... p. 51 et suiv. Mais dans le slave karpatique il y a aussi «diavolŭ».

 

154. Chval'me... p. 449.

 

155. Молитвеникъ для... p. 35. Chval'me... p. 6.

 

156. «Neduh» s'emploie aussi avec le sens de «molestia» . . . poslaný. .. neduhy otho (V. Jagić croyait que dans le sens du mot «nemošti» il faut voir un changement tardif. Mais Jagić ignore que les trois termes ont des sens différents dans les textes de Moravie). (Cf. Entstehungsgeschichte, p. 327), Cf. A. V. Isačenko, ouvr. cité, p. 52, J. Stanislav, ouvr. cité, p. 224.

 

193

 

 

Malomošti — slovaque malomoc/enstvo/ = malade, malingre, coexiste en slave karpatique à côté d’un autre mora visme: chorý, ukrainien: хворый [157].

 

«Vie» s’exprime le plus fréquemment par le moravisme «život» постоянно откидаю твои животъ (Молитвеникъ р. 95).

 

Plus rarement on emploie žizn et žitie. «Prošiti» remplace souvent «moliti» comme dans les textes inoraves: My hriešnii tebe boha prosim [158]. = «Nous les pécheurs, Seigneur, nous te prions» !

 

«Panȣŭ» = «dominus» et «deus» comme dans les textes de la Grande Moravie: «панъ неба и земли» = Maître du ciel et de la terre: ако богъ и панъ нашъ = comme notre Dieu et Seigneur.

 

«Godina» signifie «heure» de soixante minutes comme le slovaque hodina [159]. C’est un moravisme expressif. Dans le sens de. «temps» on emploie «čašŭ», comme en slovaque et en tchèque.

 

« Obrezanŭ» a remplacé le grec περιτομή = circoncision [160]. Fréquent est дяковать ; slovaque «ďakovať» = remercier [161]. Pour la notion d’enfer coexistent «peklo» et «ad». Chez les Ukrainiens «ad» est plus usité [162]. Ils nomment le purgatoire: мытарство et чистилище = slovaque očistec [163]. «Museti» (germ. müssen = falloir) n’est pas rare non plus chez les Ukrainiens de Sighet. «Semaine» se dit tyžden et non «неделя» comme en russe, ni «седмица», comme en bulgare.

 

Un autre moravisme expressif est : ej, ej, ni, ni, = oui, oui, non, non, qui provient du slovaque central, dans les parlers du sud, où l’on dit encore aujourd'hui : «ni» = non. Dans le slovaque courant la forme plus récente est «nie» comme en polonais. En tchèque «ne». «Ni» n’était pas plus répandu que «ej», qui se conserve dans les parlers slovaques d’en deçà du Danube sous la forme «aj». Après le XIIᵉ siècle «aj» est devenu en slovaque courant «hej» [164].

 

Le calendrier des Slaves karpatiques renferme des noms de saints occidentaux : Andrei Svorad, Beňadik, Voitech, Felicia, etc. Certains de ces noms et mots étrangers sont écrits avec — š, — ž; ils proviennent du nord de l’Italie où ces consonnes étaient demi-molles — š, — ž. Les Slaves moraves entretenaient des rapports culturels étroits avec cette région : Mikulaš, Eliaš, Lukaš,

 

 

157. Молитвеникъ... р. 55.

 

158. Chval'me... р. 210.

 

159. Les Ukrainiens de Sighet, par exemple disent aujourd’hui encore dans leurs chants: переносиши нынѣ тяжелу годину = Tu traverses maintenant une heure difficile (Молитвеникъ. p. 512).

 

160. J. Stanislav, Dějiny, p. 57. Dans la langue religieuse des Ukrainiens de Sighet nous entendons, comme chez les «horniaci de Pereg . . . «seho radi i obrezanŭ byl esi jakŭ človek osmodnevny c’est pour cela que tu fus circoncis comme un homme de huit jours. Chval'me. . . p. 421.

 

161. Дякую тебе = Je te remercie... (Молитвеникъ... p. 45).

 

162. «Peklo» aussi est cependant fréquent : не кидай мене до пекла = ne me jette pas dans l’enfer (Cf. aussi Chval'me boha... p. 282 et suiv.

 

163. Dans le slave ecclésiastique employé par les Ukrainiens ce mot a la forme мушеть: я знаю что мушу умерти = je sais que je dois mourir.

 

164. L’aire de dispersion des expressions: ej, ej, ni, ni, = oui, oui, non, non, est la même, entre les Petites Karpates et Nitra que celle cù s’est développé plus tard le slovaque central. (J. Stanislav, Dějiny, p. 218). Cette expression se conserve dans l’évangile selon Mathieu V, 37»; бѫди же ваше слово ей, ей, ни, ни». Исъ рече им, еи! St. Mathieu XXI. 16: Библия, Moscou, 1914.

 

194

 

 

Satanaš. Dans le slave bulgare ces formes byzantines se terminent en a: Luka, Ilia, Sotona, etc.

 

L’ancienneté du slave karpatique comme langue ecclésiastique et langue littéraire ressort aussi des éléments lexicaux locaux. Tel est le cas des rares mots d’origine magyare: хосенъ = profit, биревъ = biró, maire [165], ou bien d’origine ukrainienne ou russe : волхвъ = mage, sage, astrologue [166]; povedati = dire [167]; d’origine ukrainienne горнутися = s’attacher, russe льнуть, slovaque «lnuť» [168].

 

Щиро жаловати-церепросити = prier, demander avec ferveur: шататися = aller par le monde, flâner [169] ; журба = chagrin, souci; russe: печаль, грусть, потѣшай въ журбахъ = console-moi dans le chagrin.

 

Полишати = : quitter, existant aussi dans un ballade du voïvode Etienne le Grand qu’on peut entendre dans la commune de Veneţia, en Slovaquie orientale [170].

 

тягаръ ; semble être un moravisme parce qu’il existe dans le vieux tchèque : lehař = ouvrier, laboureur, homme qui travaille beaucoup, qui est laborieux < tęgati [171]. Un moravisme très ancien d’origine allemande semble être aussi «rachunok» = compte. Il est plus fréquent dans la langue ecclésiastique des Ukrainiens. L’expression «radŭ idǫ» je m’en vais joyeusement», est connue de la Vie de Cyrille et de Méthode ; пелени, slovaque, «plienky, plachty», = linceuls.

 

Lorsque ce slave karpatique aura été étudié en détail et dans son entier, le nombre des moravismes et des pannonismes sera sans doute beaucoup plus grand et l’hypothèse qui a fait l’objet de cette étude apparaîtra dans une toute autre lumière. Le problème est encore à l’étude. On ne connaît pas encore tous les textes écrits en Grande Moravie et le lexique du paléoslave est généralement peu connu [172].

 

*

 

 

165. Cf. des détails dans P. Olteanu, ouvr. cité, p. 236—237.

 

166. Exemple: Съ волхвы поклонился еси = avec les sages (mages) tu as adoré», бо волхви = comme les sages (Molitvenikŭ dlja.. . p. 305), 423. Ou bien: Volsvi so zviezdou putešestvujut — et les mages voyagent avec l’étoile (Chval'me p. 420) Украинско-росс. словник. Kiev, 1953, p. 352.

 

167. Exemple: Nebesa povedajut — Les deux disent; povjem vsju čudesa tvoja... povjem imja tvoje. (Chval'me... p. 298; 385. P. Olteanu, ouvr. cité, p. 232—233.

 

168. La conservation du «g» montre que c’est un mot très ancien ou bien russe karpatique до тебе горнули = à toi se sont rattachés (Молитвеникъ... p. 502 Укр. росс, словник. Kiev, 1953, p. 352).

 

169. . . . «na pohybel duš v mire šatajašija sa (Chval'me... p. 563).

 

170. Exemple: не полишай ма до смерти : Ne me quitte pas jusqu'à la mort (Молитвеникъ... p. 10). Dans la ballade d’Etienne le Grand «abo me pŭjmi abo me liši... lišil by tě...» ou bien tu m’emmènes, ou bien tu me quittes... je te quitterais. Cf. P. Olteanu, ouvr. cité, p. 243. Ce chant était connu de B. P. Hasdeu et est reproduit par J. Jireček d’après la Grammaire de Blahoslav (1551), (Cf. «Columna lui Traian» 1870, p. 221). Voir dans ce vol. l’étude de Anton Balotă.

 

171. Облегчи мене тягаръ: Habille-moi, pauvre pécheur (Molitvenikŭ... p. 99 Slovník staré češtiny, de Fr. Šimek, Prague 1947, p. 185. M. Kálal, ouvr. cité, p. 502. Il y a aussi: обрахунокъ. (Молитвеникъ, p. 10).

 

172. En dehors des contributions citées mentionnons: Olah Jansen, Co daly naše země Evropě a lidstvu (sborník) Prague, 1940, p. 11 et suiv. V. Pogorelov, На каком языке были написаны так называемый Панонския жития, «Byzantinoslavica» IV. 1932, p. 13 et suiv. L’origine de beaucoup de textes paléoslaves sera plus facilement déterminé lorsque les vastes travaux sur le lexique paléoslave entrepris par l’institut slave de Prague et de Brno seront achevés.

 

195

 

 

Les Slaves karpatiques gréco-catholiques, les Slovaques surtout, ont aujourd’hui encore la conscience que leurs ancêtres ont été christianisés dans leur langue slave par Cyrille et Méthode eux-mêmes en qui ils honorent les apôtres qui ont enseigné et éclairé les pays slaves. Les petites gens disent que c’est chez eux que la Sainte Ecriture et la messe ont été traduites en slovaque [173], par Cyrille et Méthode eux-mêmes et qu’ils font de ces traductions leur nourriture spirituelle [174]. Dans les chants simples que les paysans de la Slovaquie orientale et chez nous ceux de Pereg, entonnent aux fêtes de Cyrille et de Méthode, on évoque les actes accomplis par ccs apôtres, dans la Grande Moravie [175]. On y dit par exemple, qu’ils ont apporté dans le pays les ossements de Saint Clément, qu’ils ont enseigné plusieurs jeunes Moraves et qu’ils en ont ordonné prêtres les plus doués, qu’ils ont mené un combat acharné contre le paganisme, qu'ils ont souffert, qu’ils ont confirmé dans la foi chrétienne tous les peuples slaves, que Cyrille a été enterré à Rome, etc.

 

Les livres d’église soulignent que les Slaves gréco-catholiques des Karpates gardent le culte actuel depuis l’époque de la Grande Moravie et que le texte slave en est «le texte original [176] «pôvodný».

 

On dit encore que les saints Andrei Svorad /mort en 1009/ et Benadik /mort en 1012/ disaient la messe selon le rite oriental en langue, slave. Ces saints sont honorés aussi par les Slovaques de la R.P.R. le 17 Juillet avec saint Bystrik, qui eu qualité d’évêque de Nitra disait la messe toujours en slave et qui mourut en 1047 [177].

 

Les vieilles églises de la Slovaquie orientale, de Gemer, de la Tisa supérieure, de même que certaines écoles évangéliques, conservent, sous le Crépi récent, des icônes de rite oriental portant des inscriptions cyrilliques [178].

 

 

173. ... «Jako apoštolov jedinonravnii i slovenských stran učitele Kyrile i Methodije, bohumǫdri, Vladyku všech mulite... Vsa slovenskyja strany učemni švojmi prosvetivšija i k Ghristu přivedšija. . .» (Chval'me ... p. 247).

 

174. Imi nača sa na rodnom jazyce slovenskom liturgja božestvenaja i vse cerkovnoe služenie sovršăt... z toho ešte do dnešneho dňa čerpáme... (Ibidem, p. 251).

 

175. La fête commune de Cyrille et de Méthode est célébrée le 5 juillet et non le 11 mai, le 25 août, le 14 oct. comme la célèbrent les autres slaves du midi et de l’Est. Cf. Bonïo St. Angelov, Към историята на праздника на Кирил и Методии през средните векове, dans Сборник в чест на академик Ал. Теодоров-Балан. Sophie 1955, р. 55—68. Les Slaves karpatiques célèbrent séparément la fête de Cyrille le 14 février.

 

176. C’est clans ce texte, y dit-on, qu’est traduit le rite «oriental gréco-slave» ... upotřebil som pôvodný text... do ktorého je přeložený východný grecko-slovanský obrad» (Ibidem, p. 625—626).

 

177. S. Bystrik... bol tiež vychodného obřadu, lebo bohoslužby konal v slovenskom jazyku (Chval’me... p. 624).

 

Les attestations historiques confirment la tradition que les Slaves karpatiques ont le rite slave depuis l’époque de Cyrille et de Méthode, dont l'œuvre fut continuée immédiatement par l’évêque Ján aidé de trois évêques (en 899). Aux Xᵉ—XIᵉ siècles on en parle dans la Vie des Saints Andrei Svorad, Beňadik, Bystrik. En 1204, le pape Innocent III, écrivait au roi Imrich qu’en Hongrie il n’y avait qu’un seul monastère de rite latin, tous les autres suivant le rite grec. Au XIIIᵉ siècle l'évêque Jakub de Farkasoviţe, le chef de l’église de Spiş, était de rite grec. graeci ritus, Il dit la messe pour le roi André III de Hongrie en langue slave (Chval'me... p. 622—625).

 

178. Voir des détails dans: Chval'me... p. 624. Sur la Tisa supérieure on aurait découvert une petite église de style byzantin, qui daterait de l’époque de Cyrille et Méthode. De telles églises ont été découvertes aussi dans d’autres contrées sur le territoire de la Grande Moravie Cf. D. Dercseny, L’église de Pribina, à Zalavar «Études slaves et roumaines», Budapest 11)48, p. 85—100; A. Radnoti, Une église du haut moyen âge à Zalavar, (Ibidem, pp. 21—30). Les Slaves grćco-catholiques des Karpates ont la conviction qu'ils possèdent la vraie foiě (Molitvenikŭ p. 22) et que ia liturgie slave n’a pas péri même après la chu te rie la Grande Moravie : Liturgia slověnská ciže slovenská rozšírila sa po celej Vel'komoravskej riše a ne zanikla ani po jej rozpadnuti. ( Chval'me p. 622),

 

196

 

 

Cette culture slave de rite oriental s’est conservée ensuite avec l’appui officiel des Slaves orientaux. Munkaci, Užhorod, Peri, Halici, deviennent des foyers de culture. Cette culture slave s’intensifiant détermina aussi les Roumains à l’avoir dans leur langue.

 

A cette introduction de la langue roumaine dans l’église à côté du slave, a contribué aussi l’exemple du mouvement hussite, fourni toujours par les Slaves moraves.

 

Ainsi, les premiers textes roumains, en dialecte rotacisant, ont été les traductions des textes slaves locaux en grande majorité, de rédaction slave karpatique et orientale. Ces premiers textes qui représentent le début de notre littérature aux confins des XVᵉ et XVIᵉ siècles, offrent au linguiste de vrais trésors par la variété des formes et par leur archaïsme.

 

C’est ainsi que s’est affirmée encore d’avantage la tradition millénaire de la communauté de culture entre les Slaves et les Roumains.

 

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